samedi 9 mars 2013

" Les femmes, le sein nu courent, impudentes et lubriques, dans les rues ; les hommes brûlent d’une ardeur de bouc. "




Alfred Jarry, Le Moutardier du Pape


Le Grand Muletier : 
"Le Pape sait tout faire très bien, c'est son métier : 
il est infaillible."

Alfred Jarry, Le Moutardier du pape

On peut feuilleter en ligne et télécharger
le PDF de l'Édition Originale
sur le riche site de la B.M. de Laval 





« Seigneur, j’arrive d’Italie. De Naples. J’ai d’horribles choses à te rapporter. Les marécages du péché envoient jusqu’au ciel leurs effluves empestés ! Tous les liens de la décence sont relâchés ! On se gausse des Saints Commandements que Tu as toi-même donnés sur le Sinaï. La ville assiégée par le roi des Français, s’adonne aux plus effroyables abominations. Les femmes, le sein nu courent, impudentes et lubriques, dans les rues ; les hommes brûlent d’une ardeur de bouc. Le vice répond au vice. La mer reflue jusque dans les ruelles et le soleil déjà s’est obscurci, mais nul ne prête attention aux signes, qu’ils soient terrestres ou célestes ! Plus de distance entre les classes ! Le roi fréquente les lupanars, tandis que le faquin pénètre dans le palais pour aller trouver les vénales concubines ! Les chiens et les coqs, certes, connaissent l’époque du rut, mais les Napolitains, eux, sont des animaux tout au long de l’année ! La ville tout entière est une immense chaudière où bouillonnent les passions. Si l’Italie est de tous les peuples d’Europe celui que l’amour rend le plus fou, Naples est à l’Italie ce que l’Italie est à l’Europe ! Le siège de la ville a porté la frénésie sexuelle au paroxysme de la démence. Point d’égards pour la vieillesse, point de pitié pour la jeunesse ! On promène par les rues, en cortège de fête, des membres virils d’une taille colossale, telles des divinités ; les jeunes filles les entourent de leurs rondes et les adorent comme des idoles toutes-puissantes. Et dans Ton Église, j’ai vu le prêtre devant l’autel, avec une créature vénale ! »
Une tragédie céleste en cinq actes
Traduction revue et augmentée 
par Pierre Gallissaires
coédition Agone / Cent Pages

1 commentaire:

Dominique Hasselmann a dit…

Ah, Le Concile d'amour !!!

Merci !

Vous m'avez fait repenser à cet article que j'avais écrit dans "Le Chasse-clou", et dans lequel j'ai reproduit la critique "dramatique" de Jean Dutourd (France-Soir, 1969) à la suite de la représentation de cette pièce sulfureuse que j'ai eu la chance de voir...

Le théâtre est-il encore audacieux ?