lundi 24 octobre 2011

Ma tête-de-nœud

Autoportrait en tête-de-nœud, par L. Watt-Owen ©, Tréguier / click to enlarge

Chère Madame,
Oubliez tout ce que j'ai pu vous dire d'inconvenant  hier à propos de cette idée d'affiche et de mon refus catégorique de vous laisser placarder ma tête mise à prix sur tous les murs de votre ville.
La véhémence de mes propos ne vous aura pas, j'espère, trop indisposée à mon égard.
Et puis dites-vous que vous en aurez au moins connu un, de gars réellement modeste, en ces temps où n'importe quel auteur trouverait illico normal d'être ainsi célébré.
Brèfle…
Tout ça pour vous dire qu'après une bonne nuit blanche de réflexion, je me range ce matin à votre idée.
Et ne vous cache pas que la honte et les délires verbaux d'hier ont fait place à une chouette fierté dont je ne boude plus le plaisir.
Je n'y mets qu'une seule condition : que je vous fournisse le cliché.
En conséquence, ayant déjà tant tardé, je vous expédie ci-joint la seule photo de moi que je puis vous proposer, et la plus récente, en l'occurrence un autoportait.

Bien à vous
L. W.-O.

samedi 22 octobre 2011

Se démerder


Prier Dieu de me sortir de la merde où je me suis mis tout seul ?!? — autant faire le 115 ou le numéro de l'Élysée…
L. W.-O.

mercredi 19 octobre 2011

"Je suis l'observateur, l'ignoble individu qui s'est confortablement installé dans le fauteuil à oreilles…"

Photo de Barry Cawston © / Click to enlarge

"Ils le voyaient bien: je suis l'observateur, l'ignoble individu qui s'est confortablement installé dans le fauteuil à oreilles et s'adonne là, profitant de la pénombre de l'antichambre, à son jeu dégoûtant qui consiste plus ou moins à disséquer, comme on dit, les invités des Auersberger. Ils m'en avaient toujours voulu de les avoir toujours disséqués en toute occasion, effectivement sans le moindre scrupule, mais toujours avec une circonstance atténuante; je me disséquais moi-même encore bien davantage, ne m'épargnais jamais, me désassemblais moi-même en toute occasion en tous mes éléments constitutifs, comme ils diraient, me dis-je dans le fauteuil à oreilles, avec le même sans-gêne, la même grossièreté, la même indélicatesse."
Thomas Bernhard, Des arbres à abattre



Rappel : Thomas Bernhard dans La Main de singe

Mes chers amis

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Sur le réseau social iSpam, j'ai des milliers d'amis, moi !

L. W.-O.

iShit : Parle à mon cul…



Le kit "Mains Sales" iShit connait un succès planétaire. 
Désormais tous les trous-du-cul en ont un.
L. W.-O.

lundi 17 octobre 2011

Victoire du normal dominant


" On ne peut être normal et vivant à la fois. "
E.M. Cioran, La Tentation d'exister

La Grande Têtée



" Simon avait un faible pour ces dames et se réjouissait toujours de les voir (…) " Le peuple n'est-il pas comme un grand petit enfant pauvre, qui a besoin de tutelle et de surveillance, disait sa voix intérieure, et n'est-ce pas mieux qu'il soit surveillé par des femmes, dans ce cas-ci des dames distinguées et généreuses, plutôt que par des tyrans comme dans les temps anciens qu'on aura beau dire plus héroïques ? " (…)"
Robert Walser, Les enfants Tanner

samedi 15 octobre 2011

Portrait de l'artiste

Le banc d'André Dhôtel, Mont-de-Jeux, par L. W.-O. ©, 2009 / click to enlarge

Entre le peintre "sur le motif", fût-il Paul Cézanne, et l'arbre qui pose pour lui sans le savoir ni pouvoir s'y soustraire, le plus génial artiste — oserais-je dire : le seul des deux — est bien-sûr l'arbre, et non pas celui qui s'est planté derrière son chevalet, seul poseur des deux, lui.
L. W.-O.

vendredi 14 octobre 2011

" Cette fosse à merde et ce méli-mélo de larves…"





"(…) La littérature française, Dieu merci, peut se passer de mes services. Elle ne manque pas de bras, la littérature française, ça fait plaisir. Elle ne manque pas de mains. On en a pour tous les goûts, pour toutes les besognes. On a des anxieux, des maux du siècle, des durs et des mous, des bien fringués, des chefs de rayon. On a les officiels en jaquette, pour centenaires et inaugurations de bustes. On a les anarchistes qui portent un pull-over jonquille et qui sont saouls à onze heures du matin. Ceux qui sont au courant de l'imparfait du subjonctif, ceux qui écrivent merde, ceux qui ont un message à délivrer et ceux qui sont les gardiens de la tradition nationale. Les facteurs, les gendarmes. Ceux qui me font penser à mon cousin Virgile qui n'était bon à rien : alors il s'est engagé et puis il est devenu sous-officier - voilà où ça mène de s'engager. Les littérateurs engagés, les littérateurs encagés. Il y a ceux à qui le noir va bien, et ceux qui préfèrent le rose, et ceux qui aiment mieux le tricolore. Ceux qui ont le cœur sur la plume. Et les psychologues, et les pédérastes, et les humanistes, et les attendris, et les enfants du peuple à qui ça fait mal au cœur de posséder tant de culture à eux tout seuls, et les moralistes nietzschéens qui ont été élevés dans une institution de Neuilly. On a de tout, on n'en finit pas. On a ceux qui giflent les morts et qui conchient l'armée française, et puis qui se rangent, qui ne plaisantent pas avec la consigne. Les travailleurs de choc qui vous édifient des trente volumes de roman, et toute l'époque est dedans, il y a des tables et des index méthodiques pour qu'on s'y retrouve. Ceux qui font des conférences dans les provinces, avec trois anecdotes et un couplet moral planté dessus comme une mariée en plâtre sur un gâteau de mariage. Et les petits jeunes gens qui parlent tout le temps de leur génération. Et s'ils racontent en deux cents vingt pages qu'ils ont fait un enfant à la bonne de leur mère, cela devient le drame d'une génération... (...) »
 
Georges Hyvernaud, Le wagon à vaches (Denoel / 1953)
Réédition Le Dilettante
Dessin de Georges Hyvernaud
" C’était bien le pyjama rose qui m’était annoncé pour lundi dernier. Et il faut croire que mon goût se gâte : je ne le trouve pas si moche que ça ! Même, en comparaison du pyjama à ramages qu’arbore un de mes compagnons, il fait discret et distingué. Toute la chambrée, dont la culture musicale est au niveau de celle de E. , a chanté : " C’était un pyjama rose - avec un p’tit homme dedans ". Le petit homme, en tout cas, se trouve bien dans son lit depuis que les couvertures ne lui grattent plus les jambes. Et il passe confortablement des nuits où pourtant il fait plutôt frais. Froid vif, en effet, toute cette semaine. La campagne enneigée, sous un ciel très clair et très dur, semblait bleue l’après-midi et rose à la tombée du jour. J’ai beaucoup vécu à la cantine, avec l’inépuisable Montaigne. 2 clans hostiles se disputent âprement les meilleures places de la cantine (les plus près du feu) : les joueurs de bridge et les " intellectuels ", ces derniers comprenant tout ce qui lit quelque chose, traité de mécanique ou roman policier. Mardi, colis de Mammy : les chaussettes, du savon, du sucre dans des petits pots granulés et pailletés où poussaient des tulipes artificielles que tu avais offertes à Père et Mère à notre 1er Nouvel An. J’ai été tout remué de les revoir. Il y a ainsi de vifs rappels du passé : hier soir j ’ai écouté une lecture commentée d’Électre. J’en ai eu pour une heure, dans mon lit et dans le pyjama rose, à rêvasser au temps des soirées à l’Athénée. À des temps qui recommenceront, heureusement ! Pas de lettre cette semaine.  "
Lettre du lundi 3 février 1941


  
" Le pire de tout, c'est les cabinets. Quand je veux former une image dense et irréprochable du bonheur, c'est à des cabinets que je pense. À des cabinets bien enfermés de murs blancs, dallés de clair, verrouillés. Je suis assis dignement sur la couronne de bois verni, dans ma dignité d'homme libre. Je suis assis au centre d'un épais silence savoureux. Un silence blanc, luisant, crémeux. Il y a contre le mur une boîte de faïence d'où pend un rectangle de papier hygiénique. Il y a au-dessus de ma tête une chaînette munie d'une poignée de faïence. Je suis assis. J'ai tout mon temps et toute ma liberté. Je puis parler seul, lire des vers. Je puis penser à l'immortalité de l'âme, si ça me chante... 
Les cabinets, ici, c'est une baraque badigeonnée d'un brun ignoble, avec une porte qui ne ferme pas et des vitres cassées. Seize sièges là-dedans, huit d'un côté, huit de l'autre. Et des traces de merde sèche sur les sièges. On s'installe côte à côte, dos à dos. Seize types sur leurs seize sièges, alignès, identiques, pareillement attentifs au travail de leurs boyaux. Chacun a une feuille de papier à la main, comme une demoiselle qui s'apprête à chanter dans un salon. Ils s'efforcent ensemble, mornes, soucieux, confondant leurs bruits et leurs odeurs. Et d'autres, debout contre la paroi goudronnée, pissent. Un petit ruisseau d'urine mousseuse coule à leurs pieds. Et il y a encore ceux qui attendent leur tour en causant de leur famille ou de leur constipation. Fraternité des barbelés. Fraternité dans la puanteur et la flatulence. Tout le monde ensemble dans un gargouillis de paroles, d'urine et de tripes. De temps en temps quelqu'un se soulève un peu, et, retenant d'une main son pantalon, de l'autre, soigneusement, se torche. Au suivant. On se bouscule autour du trou. On proteste : Grouillez-vous un peu, bon dieu.

J'aimerais autant parler d'autre chose. De choses claires. Parler des claires jeunes filles, ou d'un regard de vieille dame, ou d'un peuplier au bord de la route. Parler d'un poème, d'une écharpe, d'un tableau de Matisse. Mais tout cela n'existe plus. C'est fini. Il n'y a plus de couleurs, de feuillages ni de regards. Tout a été englouti dans une catastrophe informe. Tout est foutu. Il n'y a plus, au milieu d'un univers détruit, que cette baraque où l'on se soulage en tas. Tout est vide et mort. Et au milieu du vide et de la mort, il ne reste plus que cet asile de la défécation en commun…

Quand même, les cabinets, cela résume mieux notre condition. Mieux que les punaises. C'est plus complet, plus significatif. Avec même un air loufoque, une qualité d'humour sordide. Pour prendre pleinement conscience de ce qui nous est arrivé, rien de tel que de s'accroupir fesse à fesse dans les latrines. Voilà ce qu ils ont fait de nous. Et on s'imaginait qu'on avait une âme, ou quelque chose d'approchant. On en était fier. Ça nous permettait de regarder de haut les singes et les laitues. On n'a pas d'âme. On n'a que des tripes. On s'emplit tant bien que mal, et puis on va se vider. C'est toute notre existence. On parlait de sa dignité. On se figurait qu'on était à part, qu'on était soi. Mais maintenant on est les autres. Des êtres sans frontières, pareils, mêlés, dans l'odeur de leurs déjections. Englués dans une fermentante marmelade d'hommes. Remués, brassés, perdus et fondus là-dedans. Égalité et fraternité de la merde. On avait ses problêmes. On était fier de ses problêmes, de ses angoisses. On n'est plus fier de rien, maintenant. Et il n'y a plus qu'un problème qui est de manger, et ensuite de trouver une place où poser ses fesses sur ces planches maculées. S'emplir, se vider. Et toujours ensemble, en public, en commun. Dans l'indistinction de la merde. On ne s'appartient pas. On appartient à ce monstre collectif et machinal qui toute la journée se reforme autour de la fosse d'aisances.

(…) On publiera de belles choses sur l'énergie spirituelle des captifs. Et on ne dira rien des cabinets. C'est pourtant ça l'important. Cette fosse à merde et ce méli-mélo de larves. Toute l'abjection de la captivité est là, et l'Histoire, et le destin. En voilà un bouquin que j'aurais aimé écrire. Bien simplement, bien honnêtement. Un bouquin désolant, qui aurait l'odeur des cabinets et il faudrait que chacun la sentit et y reconnût l'odeur insoutenable de sa vie, l'odeur de son époque. Et que toute l'époque lui apparût comme une mélasse d'êtres sans pensée, sans squelette, grouillant dans les cabinets, comme nous, s'emplissant et se vidant avec gravité, sans fin et sans but. Et que le sens, le non-sens de l'époque fût là-dedans, visible, lisible, incontestable.


GEORGES HYVERNAUD,  La Peau et les Os
Le Dilettante 

jeudi 13 octobre 2011

Couleur primaire


" Si tout est rose, rien n'est rose. "
Vladimir Jankélévitch

Le cruel et son double / 3

" Si tout est vrai, rien n'est vrai. "
Clément Rosset

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Fan de Clément Rosset le mitraillant pendant une conférence sur la photographie




Vidéo ci-dessus : Clément Rossets Prinzip Grausamkeit




BONUS : 
Reseñas (en VO !)
par Freddy Téllez, Université de Lausanne

RAPPEL :

Tous les billets évoquant Clément Rosset sur ce blog

mardi 11 octobre 2011

"Je vais aller me coucher."

Raymond Guérin et Henri Calet

"J’ai été bien malade, mon cher ami, je le suis encore. 
Mais, je commence à me lever un peu. 
En somme, je suis resté près de trois mois au lit. 
Maintenant, si tout va bien, je vais pouvoir me remettre à vivre tout doucement, avec une grande prudence… 
Nous en avons fini avec les plus intéressants chapitres. 
C’est autre chose qui commence : une histoire précaire, incertaine, un peu triste. 
On n’apprend pas à devenir vieux. 
Tout m’est interdit. 
Je ne peux plus que marcher à petits pas dans la vie. 
Je t’ennuie avec ces misères. 
Laissons cela. 
Je vais aller me coucher."

Henri Calet

lundi 10 octobre 2011

Le comble de l'orgueil


" Le comble de l'orgueil, c'est de se mépriser soi-même."
Gustave Flaubert

Littérature industrielle

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Dans les commentaires d'un récent billet de Frédéric Schiffter, consacré à Lucien de Samosate, je tombe sur cette citation de Tocqueville. Je m'en veux un tantinet d'avoir snobé jusque-là le gros volume de ses œuvres, que j'avais fini par oublier dans le bordel de ma bibliothèque. Merci donc au sagace citateur, P. Klein. 
L. W.-O.
" DE L'INDUSTRIE LITTÉRAIRE DANS LES SIÈCLES DÉMOCRATIQUES "

" La démocratie ne fait pas seulement pénétrer le goût des lettres dans les classes industrielles, elle introduit l'esprit industriel dans la littérature.
Les lecteurs étant très nombreux et très faciles à contenter à cause du besoin absolu qu'ils ont du nouveau, on peut faire sa fortune en produisant sans cesse une foule d'œuvres nouvelles mais imparfaites, on arrive ainsi assez aisément à une petite gloire et à une grande fortune.
Les littératures démocratiques pour un petit nombre de grands écrivains fourmillent de vendeurs d'idées. "
Tocqueville

mardi 4 octobre 2011

La grande inspiratrice

Quai de Styx Beach, par L. Watt-Owen ©, 2011 / click to enlarge

Et une nuit blanche de plus à rôder sur les quais noirs de Styx Beach en se faisant le pire mauvais sang… Faute de bateau à l'embarquement, on sifflote, soulagé et ragaillardi, en retournant chez soi à l'aube. Rien de tel pour retrouver l'allégresse de l'inspiration et ne plus y aller de main morte d'avance.
L. Watt-Owen

dimanche 2 octobre 2011

Chou blanc


Chère Madame,
Vous faites chou blanc.
Je refuse de signer la pétition que vous m'adressez pour défendre votre squat d'artistes menacé d'expulsion, et je ne risque pas non plus de la diffuser sur mon blog (contrairement à cette réponse).
Primo : parce que j'ai la saine habitude depuis toujours de ne jamais signer aucune pétition, de ne jamais adhérer à la moindre cause.
Secundo : aucune bonté ne m'anime quand j'entends les mots "artiste", "squat", "indignation", "liberté de création", "art contemporain", "censure", "performances", "intermittent", etc… Tout au contraire je voudrais être au premier rang des "philosophes" pour assister à l'assaut des forces de l'ordre  (que j'espère brutal et aussi spectaculaire que dans un film) contre votre tribu d'irréductibles jobards afin d'évaluer avec quel courage physique vous et vos amis vous défendrez le territoire, sans eau ni électricité ni toilettes, de votre liberté artistique.
 Si vous résistez vaillamment et estourbissez bon nombre des primates en treillis, alors peut-être considérerais-je avec plus de bonne volonté votre invitation à visiter le "musée  sauvage" de vos productions, à condition toutefois que soient éradiqués les tumulus d'excréments qui, en l'absence de petit coin,  jonchent le sol de votre Paradis de la Création et me soient offertes des chaussures neuves à la sortie, et que tout votre beau monde ait pris une douche,  se soit aspergé de déodorant "48 heures renforcé", sente bon l'eau-de-Cologne et porte du linge propre, et que nul ne cherche à me serrer la main, ni à me tripoter ou me faire la bise, ni à me tutoyer ni à m'expliquer quoi que ce soit de ce qui est exposé. On sera bien aimable en outre de me rétribuer d'un simple kilo de cocaïne.
S'il ne tenait qu'à moi, je vous emmurerais vivants, dans votre gourbi, et pratiquerais un embargo total, jusqu'à ce que vous réclamiez vous-mêmes qu'on vous libère de ce puant enfer où vous auriez commencé à vous entretuer, et à brûler vos productions  sublimes pour vous chauffer le cul.
Bien à vous…
Louis Watt-Owen

Hé !

Ciel farfalique par L. Watt-Owen © - Le Pigeon Blanc, 2011 / click to enlarge

" Le trait est empenné, l’air qu’il va poursuivant 
C’est le champ de l’orage : Hé ! commence d’apprendre 
Que ta vie est de Plume, et le monde de Vent. "

Jean de Sponde