samedi 28 mai 2016

Pas de voisin plus odieux que le voisin cybernétique



Comme l'expérience nous l'enseigne, il n'existe pas d'être plus odieux que le voisin et pas de voisin plus odieux, désormais, que le voisin CYBERNÉTIQUE. Et la Fête des Voisins de la Toile bat son plein tous les jours, elle. Pire, donc, encore, que les grotesques retrouvailles annuelles dans le hall de l'immeuble, avec des sourires à la con, des lieux communs, des gobelets en plastique mou autour de cubis de pinard, saladiers de sangria, toasts au tarama Lidl et œufs de lump Carrefour Market. 
Toute l'abjection des bipèdes sublunaires s'étale désormais sur la Toile, où délirent l'hypocrisie et la démence des "amis", à coup de "like", de commentaires, de "retweet", d'"abonnements", d'emoticons, de compliments et félicitations etc…, en comparaison desquels l'expression sans détour ni tralala de la haine paraît plus saine d'esprit. 
Pas de plus immonde "Vivre Ensemble" que celui de la Toile.
Oui décidément, mieux vaut se méfier de ses voisins cybernétiques que de la salope du 3ème ou du connard du 6ème. 
L. W.-O.

vendredi 27 mai 2016

Le Vivre-Ensemble pour les Nuls



Après des semaines de réclusion volontaire, je comptais bien  aller en douce prendre un peu l'air. Enfin prêt, armé d'un couteau, d'un revolver et d'un livre de Thomas Bernhard, avec la circonspection et la prudence d'un type en cavale, je m'aventure sur le palier. Parvenu sans rencontrer âme-qui-vive jusqu'à l'ascenseur, j'y trouve scotchée une affichette invitant à l'abominable Fête des Voisins. J'ai fait demi-tour sans demander mon reste et j'ai claqué dans mon dos ma porte blindée en poussant un Ouf ! de rescapé. Histoire de me changer les idées, j'ouvre au hasard Le Mauvais Démiurge de Cioran et tombe là-dessus : "Comme l'expérience nous l'enseigne, il n'existe pas d'être plus odieux que le voisin." Pour occuper le reste de l'après-midi, je rumine la lubie de pondre une espèce à ma façon de Le Vivre-Ensemble pour les nuls.
L. W.-O.

jeudi 26 mai 2016

"Les orties de la réalité…"



"Que tous les écrivains saisissent à pleines mains les orties de la réalité. Qu'ils nous montrent tout : la racine noire et visqueuse, la tige glauque et vipérine ; la fleur insolente, éclatante et détonante. Quant aux critiques, ces éteignoirs, ces juges de touche, ces parasites de l'Esprit, qu'ils cessent donc de donner des coups d'épingle aux poètes et qu'ils accouchent à leur tour de quelque production "distinguée" : l'univers s'extasierait et crierait d'aise ! Rien d'étonnant à ce que la poésie, comme toutes les belles, soit entourée d'eunuques. (…) (À l'intention de tous les critiques : emballé, c'est pesé !)"
Arno Schmidt, Scènes de la vie d'un faune
Traduction de Jean-Claude Hémery
Christian Bourgois ed. ©

mercredi 25 mai 2016

"Agaga, agaga…"




"Bientôt, je serai un vieillard chenu, édenté, avec des doigts aux veines saillantes, sentimental et pleurnichard, plein de branlantes idées fixes, agaga, agaga…"
Arno Schmidt, Scènes de la vie d'un faune
Traduit par Jean-Claude Hémery
Christian Bourgois ed ©


mardi 24 mai 2016

"Au fond chacun est responsable de sa propre ignorance…"



"Le "peuple" : son ignorance crasse ! C'est pour ça qu'on le roule si facilement. Chaque fois que j'entends un discours du Fürher, je ne peux m'empècher de penser à Agamemnon, Périclès, Alexandre, Kikero, Kaëzar, sans parler de Cromwell, Napoléon, et des héros de nos guerres de libération. Toujours la même rengaine : "Je suis au-dessus des partis !" Tous les mêmes ! En soi, ces retentissantes charlataneries m'amuseraient plutôt. Mais le "peuple" croit dur comme fer qu'on n'a encore jamais vu ça sous le soleil. Pas la moindre idée des conséquences prévisibles : au lieu de songer aux millions de pauvres types qui ont été couillonnés au cours des siècles et de botter le derrière à ces batteurs d'estrade ! Au fond chacun est responsable de sa propre ignorance et il n'y a pas lieu de s'apitoyer."

Arno Schmidt, Scènes de la vie d'un faune,
Traduction de Jean-Claude Hémery 
© Editions Christian Bourgois
Premier volet de la légendaire trilogie Nobodaddy's Kinder 
(qui compte aussi Brand's Haide et Miroirs Noirs), 
ces Scènes datent de 1953. 
Je précise la date quant au fragment piraté ci-dessus 
et son propos qui commente pile-poil 
la cocasse et puante actualité politique 
de cette cocasse et puante Europe.


Je m'envoie tous les jours du Arno Schmidt pour me doper, depuis les années 60 ! Les Scènes de la vie d'un faune, dans la traduction fabuleuse de Jean-Claude Hémery publiée héroiquement en 1962 par Maurice Nadeau, furent un de mes premiers livres : il ne me quittait pas et j'aurais tué qui se serait aventuré à me le chiper. L'ouvrage était venu tout seul, ô miracle !, à moi : on recevait à la baraque, en services de presse et autres abonnements de soutien, tout ce que publiait Maurice Nadeau aux Lettres Nouvelles. Je ne saurais dire combien de fois je les aies lues et relues. Je les reprends une fois de plus aujourd'hui. Les livres les plus forts, on a beau se dire qu'à force de les fréquenter on les connait par cœur, chaque nouvelle lecture se révèle une bouleversante et excitante "première fois", tant elle nous réserve un festival de surprises. 

Le lecteur attentif de Schmidt opine sans doute en tiquant : il sait d'expérience de quoi je parle et a bien raison de tiquer (chaque aficionado de Schmidt se considère à juste titre comme son lecteur idéal). Il tique aussi devant cet aveu de précocité, qui le prend de court : oui, non seulement je suis le lecteur idéal de Schmidt, mais aussi le plus rapide (et désormais l'un des plus anciens, mais des héroiques vétérans me précèdent, auxquels je tire mon chapeau : par exemple au grand Jean-Loup Trassard.) Tout le monde n'a effectivement pas appris à lire dans Schmidt ! Si un autre olibrius a connu la même aventure, qu'il se signale. On trinquera. 

Le lecteur attentif de Schmidt aura sans doute aussi, ces dernières semaines, de ce côté-ci de la ligne Siegfried, repéré deux informations schmidtiennes croquignolettes et qui font bondir à s'en assommer au plafond. J'y reviendrai donc une autre fois. Il n'y a pas urgence, puisque les aficionados (s'ils le sont vraiment) sont déjà au courant (la fracture de leur organe hamlétien en fait foi, avec ses bandages de momie). Quant aux non-aficionados et aux ignorants de Schmidt, ils s'en contrefoutent ! — tant pis ou tant mieux pour eux. 

L. W.-O.





jeudi 19 mai 2016

Pour qui je me prends ?

Jean Malaquais
On trouvera ci-dessous ma réponse à un "rat-de-blog", anonyme bien-sûr comme tous les répugnants nuisibles cybernétiques, qui, indigné par mes propos pourtant insignifiants de blogueur insignifiant, m'a fait savoir que, primo, je suis un prétentieux infatué d'affirmer, dans de précédents billets, que je suis le seul ou quasi à lire Jean Malaquais, et, deuzio, que je n'ai pas le droit, moi, d'invoquer Jean Malaquais puisque je ne semble pas animé par l'esprit révolutionnaire ni la volonté de changer le monde et ne suis qu'un puant nihiliste de plus, bien planqué et qui ne milite pas, par exemple à Nuit Debout, pour le bien du peuple opprimé, ce qui fait de moi le complice de ceux qui lui font du mal. 
Je ne donne pas à lire le courageux commentaire anonyme de ce rat de blog, car il est trop mal écrit et caffi de fautes d'orthographe. Cet indigné n'était du reste pas le seul à réagir, et la longue réponse improvisée ci-après ne s'adresse donc pas qu'à lui, mais à ceux qui, anonymes ou non, m'ont fait savoir que j'étais un peu gonflé d'affirmer sans vergogne être le seul à lire Malaquais. Ne boudant pas le plaisir de censurer les commentaires désobligeants, je ne les donne pas non plus à lire. Tous les lecteurs exaltés d'un écrivain raffiné n'ont malheureusement pas le génie de sa prose singulière. 
Cette réponse improvisée à la diable un jour de grand vent et de forte consommation de Merlot, date d'il y a quelques semaines. 
Je croyais l'avoir déjà mise en ligne. 
Cela m'apprendra à lire ce blog plus attentivement.
Retombant dessus par hasard dans l'enfer de mes brouillons, je la donne enfin, sans y rejeter un œil, car je me connais : elle rejoindrait illico la poubelle
Or si j'ai bonne mémoire il me semble y dire, au-delà du cas Malaquais, même avec des emberlificotages alambiqués dûs à l'excès de Merlot, des vérités aussi irréfutables que peu communes quant à ce qu'on appelle lecture et lecteur.

L. W.-O.

Monsieur,
Vous n'êtes pas le seul à me faire savoir que je ne suis pas le seul, ainsi que je l'ai affirmé sans vergogne dans un récent "billet", à lire Jean Malaquais. Des visiteurs de ce blog et d'autres interlocuteurs, qui pourtant mettent moins d'empressement à simplement donner et prendre amicalement des nouvelles, m'ont également fait savoir, avec une soudaine urgence, qu'eux aussi lisaient Jean Malaquais, ce dont, effectivement, je dois l'avouer, je ne me serais guère douté, puisque la lecture de Jean Malaquais et autres auteurs de cette subtilité et de cette envergure réclame tout de même une sensibilité vraiment peu commune.
Me voilà donc entouré, l'ayant ignoré jusque-là, de floppées de lecteurs-de-Jean-Malaquais, dont les ouvrages si élégants, qui disent dans toute sa crudité sinon sa cruauté la vulgarité, la stupidité et la muflerie des bipèdes sublunaires, ne semblent guère avoir eu d'influence sur l'aigreur et la susceptibilité de ces lecteurs-de-Jean-Malaquais. Lesquels se recrutent bien souvent parmi les humanistes qui veulent sinon la révolution du moins le bien de leurs contemporains et réclament de chouchouter dans le bon sens du poil la bête humaine.
Je fais donc amende honorable en reconnaissant volontiers que d'autres que l'infatué mézigue lisent Jean Malaquais dans ce pays. Mais, toutefois, qu'on ne m'en demande pas trop dans le numéro piteux du mea culpa : car je n'irai pas jusqu'à affirmer que je ne suis pas le meilleur lecteur de Jean Malaquais, comme par ailleurs de tant d'autres écrivains de cette pointure, qui ne se font aucune illusion quant à l'indécrottable bétise de la bête humaine. 
Vous êtes donc de nombreux lecteurs-de-Jean-Malaquais et je n'aurai pas l'outrecuidance de prétendre appartenir à ce club de gens de qualité. Comme je n'aurai pas l'outrecuidance non plus de me considérer comme le pire de ses lecteurs, bien au contraire, vous l'aurez compris — encore que le ton de votre message outré ne traduise pas une sensibilité allant jusqu'à saisir la nuance que j'exprime sans forfanterie puisqu'elle est, à mes yeux, une réalité et une évidence : je ne connais pas meilleur lecteur de mes auteurs préférés que moi…, et tout lecteur digne de ce nom se doit de penser ainsi, car autrement cette allégeance à la subodorée compétence et vista des autres relèverait pour le coup d'une bévue rédhibitoire. 
Je prends acte, cher visiteur anonyme, de votre qualification, certifiée par vous, de lecteur-de-Jean-Malaquais et vous laisse apprécier si cette qualification peut ou non être qualifiée de qualité. Pour ma part je ne m'attribue pas ni cette qualification ni cette qualité car, moins modeste dans les décorations que je me décerne, je ne saurais m'en contenter : je me considère, avec bien-sûr toutes mes tares, comme le lecteur idéal de tous mes auteurs idéals, comme d'ailleurs de tous les auteurs non-idéals que je refuse de me cogner. 
Un tel lecteur idéal ne saurait considérer qu'il a de la concurrence et en conséquence se rabaisser au niveau de cette prétendue concurrence. 
Un tel lecteur idéal est de fait le lecteur idéal idéal, autrement dit le seul lecteur digne de ce nom : il se contrefout royalement de quiconque lit les mêmes auteurs que lui puisqu'il ne lit pas de la même façon (lisant, lui, idéalement) et estime que la lecture des mêmes auteurs par d'autres bipèdes relève de la farce sinon de l'imposture et en aucun cas de ce qu'on est en droit d'appeler "lecture". Le lecteur idéal est donc le seul lecteur à ses propres yeux (car sinon il ne serait pas ce lecteur idéal). 
De fait le lecteur idéal que je suis ne peut que se tenir à distance aristocratique et sanitaire du caca nerveux de ceux qui revendiquent, comme vous, être considérés par lui comme d'autres lecteurs, voire de meilleurs lecteurs, de tel ou tel de ses auteurs idéals, et même comme des lecteurs tout court. Il n'y a pas, aux yeux du lecteur idéal, de lecteur tout court : au mieux l'appelera-t-il lecteur-à-la-con
Je devine qu'une telle vérité vous soit aussi difficile à ingurgiter que pour moi votre caca nerveux de lecteur-à-la-con de Jean Malaquais. 
Le lecteur idéal que je suis répugne à appartenir à une quelconque communauté de prétendus lecteurs de ses auteurs de prédilection, il ne risque pas de prendre sa carte dans une société des lecteurs de tel ou tel de ses auteurs idéals, en l’occurence Jean Malaquais. Le lecteur idéal sait pertinement qu’il est le seul de son espèce, il est une exception. Et cette certitude de sa singularité est du même acabit que sa certitude d’être le seul (même un tantinet schizophrène comme moi) à vivre sa vie, à être dans sa propre peau, etc… Brèfle : aussi vrai que Shakespeare je crois, ou plutôt Joseph Conrad sinon Mlle Cerise de Groupama, je ne sais plus trop, a dit : « On vit comme on rêve, seul », le lecteur idéal se dit : « On lit comme on vit et comme on rêve, seul. » 
Autrement dit, le tumulus des cacas nerveux dont plusieurs lecteurs outrés de Jean Malaquais se sont soulagés dans ma boite-aux-lettres, je l’expédie, avec des pincettes, à la poubelle, en retenant mon hypersensible odorat, le vôtre indistinctement avec les autres, vous accusant toutefois réception de votre petit cadeau (car il puait 1000 fois plus que les autres), car je ne suis pas comme vous un mufle qui monte sur ses grands chevaux. Je vous rends au centuple l'attention que vous m'avez accordée.
Aux yeux du lecteur idéal, il n’y a qu’un lecteur, celui pour lequel il se prend sans immodeste modestie, tous les autres n’étant que des lecteurs non-idéals, autrement dit, des lecteurs-à-la-con ou à-la-mord-moi-le-nœud — comme en témoignent la médiocrité, l’animosité et la confusion de votre courrier (par ailleurs caffi de fautes) d’humaniste révolutionnaire se situant dans le camp du bien contre le camp du mal, minable mail de pleutre anonyme, dont on n’imagine pas qu’il pût avoir été rédigé par un lecteur du grand Jean Malaquais, écrivain raffiné qui tint tête aux pires ordures.
Les lecteurs d'un même auteur ne font pas communauté, contrairement à ce que clament dans leurs publicités les réseaux sociaux et les sites de rencontre.
Puisque ma bibliothèque compte tant d'ouvrages en commun avec celle par exemple d'Adolf Hitler (aficionado de Swift, Sterne, Cervantes, Jean Paul Richter, Nietzsche & cie), dois-je pour autant me considérer comme un frère de cette ordure comico-cosmique  ?
Puisque je lis Thomas Bernhard, dois-je pour autant aller voter Bruno Lemaire à la primaire de ces pourritures Les Républicains ?
Puisque je lis comme un damné Cioran et Céline, est-ce que je ne roulerais pas du même coup malgré moi pour ces crétins d'identitaires Pur-Porc ?
Puisque j'aime Henri Barbusse ne serais-je pas un peu un camarade ?
Etc… Etc…

Du reste, lisez qui vous voulez, je m’en tape allègrement. Sauf moi, puisque je vous indispose semble-t-il au point de vous occasionner colique verbale. Plutôt que venir déféquer des pixels dans ma boite-aux-lettres, allez plutôt lècher le postérieur des rédacteurs pour qui vous avez affection et affinités.  
Puisque vous trouvez contradictoire qu'un exécrateur de l'humanité dans mon genre puisse admirer ce Jean Malaquais, icône révolutionnaire, admettez tout de même, par la longueur et la qualité de cette réponse attentive et un tantinet exaltée, que cet exécrateur ne vous aura pas, en retour, traité avec mépris. Ce qui distingue effectivement les humanistes de votre genre d'une saloperie nihiliste de mon acabit, "mini-Cioran des Petites-Carpates" comme vous dites (en volant cette excellente vacherie à l'une de mes chroniques.)
À bon entendeur (comme on dit aux pires sourds…)
L. Watt-Owen

mardi 3 mai 2016

Hey Joe !






La mort de Prince, trépidant milliardaire de la variété internationale, Témoin de Jehovah dont les musiciennes étaient scientologues, copie mégalo de Jimi Hendrix et Little Richard, ne m'a fait ni chaud ni froid. 
Mais la méchante nouvelle, tout à l'heure, du décès brutal de Slow Joe, m'a fichu un sale coup de blues. Et dire que ce phénomène habitait à dix minutes de ma tanière depuis quelques années ! Si j'avais su, j'aurais tenté une fois au moins de lui payer un coup et de lui dire un peu ma gratitude et mon admiration. Merdre.
L. W.-O.







Qui est Slow Joe ? par deezer


Slow Joe and the Ginger Accident.1... par CharlesMouloud