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mercredi 4 novembre 2015

"There's something wrong with me…"







Je ne crois guère que dans ce foutu pays, qui se prétend celui de la Poésie et où grouillent des millions de poètes, on ait un beau jour la chance de voir paraître une copieuse Anthologie des poèmes de Charles Bukowski, l'un des plus forts poètes qu'aura connu cette aberrante planète. Je parle bien-sûr d'une édition sérieuse, c'est-à-dire traduite à la pine-de-mouche et naturlich en bilingue ! Si possible avec fac-similés des tapuscrits légendaires. 
De ce côté-ci de l'Atlantique on a surtout traduit, soit parfaitement, soit effroyablement, le prosateur. Mais Bukowski se voulait avant tout poète. Et ses proses comme sa correspondance ou ses interviews ne cessent d'ailleurs de le seriner. 
Bukowski avait un faible pour la France, pays de Rimbaud, Céline et Antonin Artaud, et aussi des meilleurs vins. Sur son chemin pour l'Allemagne, il y avait fait halte, avec joie et gourmandise. Ce fut l'un de ses rares voyages. Las, il dut déchanter : il fut traité ignoblement et avec le plus grand mépris, entre autres en direct sur le plateau d'Apostrophes par l'écoeurant Bernard Pivot, le crétin Cavanna et le délirant psychiatre Ferdière, fameux brelan de brêles. Le "Ta gueule Bukowski" proféré par son prétendu admirateur Cavanna restera dans les annales de la connerie et de la condescendante muflerie françaises. 
Le malicieux Hank, qui surclassait princièrement toute cette clique d'endimanchés et d'emmanchés, fut traité comme un puant clodo et qualifié de pornographe et bientôt mis à la porte en pleine émission, sans ménagement, en poussant des "Bon débarras !" Il eut la politesse de faire croire (dans Shakespeare n'a jamais fait ça) qu'il n'avait pas bien saisi ce qui se passait et s'en contrefoutait. Tu parles !

Autoportrait par Charles Bukowski


La muflerie à son égard continue depuis lors : les traductions ont traîné des dizaines d'années, (et je ne dis rien de la médiocrité de certaines, les vrais lecteurs de Bukowski les connaissent). Les éditions de ses livres sont le plus souvent d'une hideur repoussante et d'une facture qui tient de la faute professionnelle. Ces négligences relèvent du total foutage de gueule. Et les ragots qui continuent à être colportés à son égard témoignent de l'ânerie des critiques franchouillards : ils sont si rares ceux qui, comme Philippe Garnier, auront su dire à son sujet des choses pertinentes et stylées, drôles et féroces, senties et émouvantes. Ce sont toujours les mêmes conneries qui reviennent, aggravées par l'inanité de certaines biographies traduites par ici. Etc… Etc… Brèfle… De qui se moque-t-on ? De Bukowski bien-sûr, et de ses aficionados. (À propos de certaines traductions de Bukowski, je conseille la lecture de cette récente chronique de Philippe Garnier.)

La malédiction française de Bukowski n'est pas près de se calmer. Le pire outrage qu'on lui fait subir ne saute aux yeux que de ceux qui savent quel Bukowski on veut nous vendre par ici : le prosateur "dégueulasse" et le soi-disant pornographe. Le poète, lui, est passé jusque-là à la trappe. On ne pouvait être plus vache avec celui qui s'impose tout de même comme l'un des plus singuliers poètes du monde et qui passa la plus grande partie de sa vie, jusqu'au bout, à en improviser sur sa machine-à-écrire.
La copieuse Anthologie que j'évoquais serait tout de même la moindre des choses, et rachèterait un tantinet la saloperie des gabegies. Las ! Je veux bien parier ma machine-à-écrire que c'est là pure chimère. Autant attendre que Bernard Pivot, classieux pinardeur des beaux quartiers, enfin saoul comme un cochon aille dégueuler sur la tombe de Cavanna ou en direct sur le Service Public tâter le cul de Christine Angot.
L. W.-O.

Rappel :