jeudi 31 mars 2011

" je suis moitié oiseau, moitié cochon "

Improvisation, 2001, dessin par L. Watt-Owen © / click to enlarge
 
"… je suis dans la rue et fais de grands bonds qui me réjouissent, qui me font maîtriser la vie, longue de quelques minutes, d'un gros animal semblable à un oiseau, je suis moitié oiseau, moitié cochon : descendre toute l'allée, monter toute la rue, en riant… "
 
Thomas Bernhard,  
Dans les hauteurs
trad. Claude Porcell,
Gallimard ed. 1991

INTERLUDES POUR INSOMNIAQUES / 15



Herz aus Glas / Werner Herzog








Rappel : tous les INTERLUDES POUR INSOMNIAQUES

mercredi 30 mars 2011

K DO pour les raffinés


COMME LA LUNE
Un film de Joël Seria, avec Jean-Pierre Marielle
Pourquoi mégoter avec des extraits de ce film invisible ailleurs ?
Voici donc l'intégrale, et tant pis pour la légère déformation.
Ce chef d'œuvre supporte ce petit inconvénient technique.

Louons l'excellent kimkallstrom de l'avoir mis en ligne sur Dailymotion.
On ne saurait trop saluer son initiative !

Rappel : Jean-Pierre Marielle dans La Main de singe












dimanche 27 mars 2011

" Il finirait par y aller…"




" J'ai horreur du ton amer. (…) Or l'autre façon, la manière tendre et toute simple, je l'ai découverte avec beaucoup de peine, beaucoup plus, et je suis plus heureux pendant la journée si je la laisse informer ma pensée et me conduire dans mes rapports avec les gens, disons avec le souvenir des gens puisqu'on ne les voit qu'après coup, sur le moment on ne sait pas ce qu'on leur dit ni l'impression qu'ils nous font. C'est donc un fameux critère et je m'y tiens et je raconte autre chose. L'emberlificotage de mes naissances en définitive c'est le regret d'être changeant, pas de suite dans les idées, je ne sais rien dire sans une émotion toute fraîche, mes amis parfois me croient indifférent, c'est tout simplement parce que m'étant réveillé tard je n'ai pas eu le temps de me balader avant d'arriver chez eux, je n'ai rien à leur raconter. Je me demande souvent si les esprits brillants existeraient sans leur mémoire, je n'ai aucune mémoire, je voudrais pour n'être pas ridicule vivre dans un monde d'où elle serait exclue, on ne pourrait parler que des choses du jour, et on inventerait, on inventerait au fur et à mesure, c'est ça la vraie vie. "

Robert Pinget, Le renard et la boussole.

LIENS
On recommande vivement 
de cliquer ici afin d'écouter Clément Rosset 
parler de Robert Pinget et Samuel Beckett,
de lire dans la revue FUSÉES
le riche dossier Pinget
et sa lettre à Mortin
et son échange avec Dubuffet
(numéro en PDF téléchargeable)
et de visiter le site épatant consacré à l'univers de Robert Pinget
ainsi que le site consacré à son Quelqu'un

Rappel : Robert Pinget est publié aux Éditions de Minuit




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samedi 26 mars 2011

L'homme sans impatience




" Ne s'empresser, ni ne se passionner jamais, c'est la marque d'un cœur qui est toujours au large. Celui qui sera le maître de soi-même le sera bientôt des autres. Il faut traverser la vaste carrière du temps pour arriver au centre de l'occasion. Un temporisement raisonnable mûrit les secrets et les résolutions. La béquille du temps fait plus de besogne que la massue de fer d'Hercule. Dieu même, quand il nous punit, ne se sert pas du bâton, mais de la saison. Ce mot est beau : Le Temps et moi nous en valons deux autres. La fortune récompense avec usure ceux qui ont la patience de l'attendre. "
Baltasar Gracian, L'Art de la prudence.

jeudi 24 mars 2011

"Car tel est mon bon plaisir ! "

Joseph Delteil, 1974, capturé par La Main de singe

" J"ai fui. Ce que j'ai fui c'est ce côté officiel de la littérature, ce côté foire, bazar, bagarre, c'est le métier d'homme de lettres, ses pompes et ses œuvres, ses servitudes sociales, ses obligations mondaines et journalistiques, son Académie. J'ai refusé de monter sur les planches, de me donner en spectacle, d'être un "personnage", de devenir un "écrivain public". Je suis invisible. " (…)
" Pourquoi changer le monde (trois milliards d'hommes) quand il me suffit d'en changer un seul : moi-même ! " (…)
"Je pars. Divorce avec la société pour incompatibilité d'humeur. Coexistence pacifique : le mot le plus fondamental du monde ! Pas question d'être stoïque ou exemplaire, mais j'entends être simple, pur, brave, bonasse, sans malice — j'allais dire sans esprit — niais peut-être, cynique pardi, con s'il le faut, bref "intelligemment idiot" comme dit Malcolm Lowry. (…) Car tel est mon bon plaisir ! "

" Qui donc a dit de moi : "Son chef d'œuvre c'est sa vie ! " Chiche ! (Entre parenthèses, à mon âge et hors concours comme je suis, et quasi d'outre tombe, je parle naïf et cru, sans orgueil et sans pudeur, sans peur et sans reproche. "Je suis réellement d'outre-tombe, et pas de commissions" dit Rimbaud. ) "

Joseph Delteil, La Deltheillerie

Lien : le riche site consacré à Joseph Delteil

(Merci à Sing Sing de m'avoir remis Delteil sous les yeux !)



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mardi 22 mars 2011

INTERLUDES POUR INSOMNIAQUES / 13


The Tale of How from Shy the Sun on Vimeo.


The markuswormstorm TV !!!!!!!
On peut s'amuser sans fin sur cette chaine interactive en promenant le curseur de sa souris (ou en cliquant) sur les images dans les univers suivants :









Rappel : tous les INTERLUDES POUR INSOMNIAQUES

jeudi 17 mars 2011

Toute l'enfance tête en l'air

Ciel d'Épinac, par L. Watt-Owen © 2009 / click to enlarge

" De toutes façons un grand ciel brillera ce soir."
André Dhôtel

Élégie de la traversée

Élégie de la traversée
un film d'Alexandre Sokourov (2001 / 46 mn)









mercredi 16 mars 2011

" Il habite le monde comme sa maison : immobile. "




" Il habite le monde comme sa maison : immobile.
Un grave accident l’a cloué là, en ce point du monde : une maison au milieu d’un grand jardin.
Il ne peut plus parcourir le monde : il le contemple jour après jour depuis sa maison.

Il est cinéaste. Il n’a vécu que pour faire des films.
Toujours un de plus : envers et contre toutes les circonstances.
Il imagine faire un film avec toutes ses images fixes,
se ranimant par conjonction, juxtaposition, succession.
Il en isolerait, dans le lot innombrable, ce qu’il en faut pour voir une année s’écouler,
quatre saisons, jour après jour.

JOUR APRES JOUR serait le titre. Le programme. Le seul scénario.
Une année s’y écoulera -
Une toute petite année parmi les milliards d’années du monde.
Une vie s’y imprimera-
Une petite vie parmi les milliards de vies du monde.

La maison, le monde.
La maison... le monde.
La maison : le monde.
Il vit dans le suspens de cette conjonction - déplaçant au gré de son humeur la ponctuation qui lie dans son esprit les lieux où il réside.
Il habite le monde comme sa maison : immobile.
Un grave accident l’a cloué là, en ce point du monde :
une maison au milieu d’un grand jardin.
Il ne peut plus parcourir le monde : il le contemple jour après jour depuis sa maison.
Il habite le monde comme une maison, il habite sa maison comme un monde.
Il prend des photos : de sa maison ; du monde.
Une dizaine chaque jour, nuit comprise.
Toujours les mêmes sujets – mais pas les mêmes lumières,
les mêmes couleurs, pas les mêmes températures.
Un thermomètre est le héros discret de ces variations.
Et ces vues fixes produisent un miracle : le mouvement qui se retire d’elles se communique à lui. Il va et vient dans le monde ? Il bouge chaque fois qu’il colle son oeil au viseur, chaque fois qu’il appuie sur le déclencheur.
Chaque clic clac le meut sans limite dans sa maison comme dans le monde , dans le monde comme dans sa maison, hors de sa maison, hors du monde.
ET au miracle s’ajoute un prodige : quand il revoit ses images, qu’il les trie, qu’il commence à les assembler : le mouvement se ranime en elles, entre elles. Elles sont devenues le monde. Le monde qu’il habite, lui, et comme il l’habite, jour après jour.
Il est cinéaste. Il n’a vécu que pour faire des films.
Toujours un de plus : envers et contre toutes les circonstances.
Il imagine faire un film avec toutes ses images fixes, se ranimant par conjonction,
juxtaposition, succession.
Il en isolerait, dans le lot innombrable, ce qu’il en faut pour voir une année s’écouler,
quatre saisons, jour après jour.
JOUR APRES JOUR serait le titre. Le programme. Le seul scénario.
"
Jean-Daniel Pollet - Cadenet - Vaucluse.

Lien : hommage à Jean-Daniel Pollet


Dieu sait quoi (extraits) par simpleappareil

mardi 15 mars 2011

"Dites-nous comment survivre à notre folie…"




" Je ne dis mot, allant chercher très loin ma respiration. La guerre, cette interminable et sanglante bataille aux dimensions gigantesques, allait sûrement se prolonger encore. Cette espèce de raz de marée qui, dans les pays lointains, emportait les troupeaux de moutons et ravageait les gazons fraîchement tondus, cette guerre-là, qui eût jamais pensé qu'elle dût parvenir jusqu'à notre village ? Pourtant elle y était venue, pour réduire en bouillie ma main et mes doigts, saoulant mon père du sang des combats et lui faisant brandir sa serpe. D'un seul coup, notre village se trouvait enveloppé dans la guerre; et moi, au milieu de ce tumulte, je n'arrivais plus à respirer… "

Kenzaburo Oe, qui, de l'apocalypse nucléaire, de la démentielle bêtise des hommes, de l'atrocité, de la monstruosité, de la folie, du chagrin inconsolable et de la joie de vivre malgré tout a déjà tout dit.









lundi 14 mars 2011

INTERLUDES POUR INSOMNIAQUES / 10

Masao Yamamoto
Masao Yamamoto

Le photographe japonais Masao Yamamoto !!!






Masao Yamamoto


«« Le souvenir des eaux mortes du lac, des cailloux fracturés du rivage, des neiges fondues du Mont Fuji-Yama et des fleurs de magnolia séchées m'apaisaient, me poussaient très sereinement vers ma propre disparition. J'avais vécu là le temps d'une rotation complète des saisons et ne m'imaginais plus les choses capables de revenir et de reprendre leur cycle tant elles s'étaient lentement délitées en moi, conduites par l'impérieuse voracité de la forêt. Alors j'enfilai mon blouson, traversai la rue en direction de Shintaro et posai ma main sur son épaule. L'homme tourna la tête. Son œil portait trace du paysage quotidiennement fixé : une sorte d'abysse aveugle et désenchanté. Il prononça quelques mots de ce japonais dont j'ignorais tout. Puis il me tira par le bras. Nous nous mîmes en marche, nous engageant sur la route de droite qui traversait la forêt. Entre deux lacets, le Fuji-Yama émergeait de la couverture végétale et tel un dragon, crachait sa brume dans le soleil levant. »

Romain Verger était l'invité d'Alain Veinstein dans l'émission Du Jour au lendemain sur France-Culture, le 10 mars dernier, pour évoquer ses Forêts noires, publié chez Quidam Éditeur.
On peut écouter ou podcaster cet entretien en cliquant ici.

Rappel : Forêts noires dans La Main de singe.


samedi 12 mars 2011

"Nous croyons être compétents et ne le sommes tout de même pas…"


" Que ne pensons-nous pas et que ne disons-nous pas, et nous croyons être compétents et ne le sommes tout de même pas, c'est là la comédie, et quand nous demandons comment cela va-t-il continuer ?, c'est la tragédie…  "
Thomas Bernhard, Maîtres anciens

Rappel : Thomas Bernhard sur ce site.

mercredi 9 mars 2011

??????????








"Quand l'homme se regarde beaucoup lui-même, il en arrive à ne plus savoir quel est son visage et quel est son masque."
Pio Baroja

mardi 8 mars 2011

"Ces gens-là"…

" Dans ma famille, les animaux domestiques n'étaient ni des chiens, ni des chats, ni des oiseaux; dans ma famille, les animaux domestiques, c'étaient les pauvres. Chacune de mes tantes avait le sien, personnel et intransmissible, qui venait chez mes grands-parents, une fois par semaine, chercher, avec un sourire reconnaissant, sa ration de vêtements et de nourriture.
Outre qu'ils étaient incontestablement pauvres (si possible pieds nus, pour pouvoir être chaussés par leurs maîtres; si possible en haillons, pour pouvoir porter de vieilles chemises qui échappaient ainsi à leur destin naturel de chiffons; si possibles malades, afin de recevoir un tube d'aspirine), les pauvres devaient avoir d'autres caractéristiques indispensables : aller à la messe, faire baptiser leurs enfants, ne pas boire, et, surtout, demeurer orgueilleusement fidèles à celle de mes tantes à qui ils appartenaient. Je crois revoir un homme couvert de somptueuses guenilles, ressemblant à Tolstoï y compris dans la barbe, répondre, outré et superbe, à une de mes cousines distraites qui nsistait pour lui offrir un pull dont aucun de nous ne voulait : 
— Je ne suis pas votre pauvre; je suis le pauvre de Mademoiselle Teresinha.
Le pluriel de "pauvre" n'était pas "pauvres". Le pluriel de "pauvre", c'était "ces gens-là". (…) "

Antonio Lobo Antunes, extrait de Nos pauvres
traduction Michèle Giudicelli, 
chronique parue dans 
La Main de singe 
N° 11 & 12
1994

Rappel : plusieurs volumes des Chroniques d'Antonio Lobo Antunes 
ont été publiés par Christian Bourgois
comme la plupart de ses livres .

vidéos :
" UN LIVRE DOIT ÊTRE UNE JOIE…"
Antonio Lobo Antunes à la rencontre de ses lecteurs,
en 2008, MJC de Bobigny













lundi 7 mars 2011

Juvenilia



Ici des raves, là-bas des choux
Glabres légumes, nature comique
Je fais mine de lire derrière la vitre
Sur le fumier une femme cul nu
danse très lentement et fait pipi
Je n'ai aucune idée de ce que je deviendrai
et je pars du principe
que j'ai tout le temps que je veux
Cette patate ne pense pas
mais il faudra la cuire

L. Watt-Owen, 1977

(Spécial dédicace au cher Marquis)

INTERLUDES POUR INSOMNIAQUES / 8


Le site du dessinateur espagnol Carlos Arrojo.

click to enlarge

Les photographies de Jukka Male !!!
Et plus particulièrement ces galeries :





Jan Garbarek /The Moon over Mtatsminda




Psapp / About Fun / album Tiger My Friend




Psapp / I want that

Rappel : tous les INTERLUDES POUR INSOMNIAQUES

dimanche 6 mars 2011

Clément Rosset : "On joue toujours la musique trop vite…"

Clément Rosset chez lui,  par Olivier Roller©

"On joue toujours la musique trop vite…" 
Pour ceux qui l'ont loupé ou qui aimeraient le réentendre, il semblerait que l'entretien accordé par Clément Rosset à François Noudelmann dans le cadre de l'émission de France-Culture, Je l'entends comme je l'aime, le 20 février dernier, soit toujours disponible à l'écoute. Cela risque de ne pas durer.
En cliquant ici sinon ça devrait marcher.

L'épatante photo ci-dessus est d'Olivier Roller, qui a eu l'excellente idée et la grande chance de pouvoir photographier Clément Rosset chez lui. On ne manquera pas de voir cette série sur son riche site que je conseille vivement.

Ci-dessous une interprétation de La Vallée des cloches (Miroirs) par Maurice Ravel "lui-même", si je puis dire.

INTERLUDES POUR INSOMNIAQUES / 7









Rappel : tous les INTERLUDES POUR INSOMNIAQUES

samedi 5 mars 2011

That wasn't chicken


" La réalité, quelle qu'elle soit, est bien plus belle que l'illusion. "
Sacha Guitry

vendredi 4 mars 2011

" De deux morts et de trois naissances "

Cinéma, par L. Watt-Owen ©, 2010 / click to enlarge

" De deux morts et de trois naissances
Mon film naît une première fois dans ma tête, meurt sur papier; est ressuscité par les personnes vivantes et les objets réels que j'emploie, qui sont tués sur pellicule mais qui, placés dans un certain ordre et projetés sur un écran, se raniment comme des fleurs dans l'eau. "
Robert Bresson, Notes sur le cinématographe.





jeudi 3 mars 2011

"Je t'emmerde bien cordialement"


" … Allez, je t'en ai assez dit — vas-y, pond un peu. Longueur, opinion, teneur ad lib.. Payé zéro franc zéro centime (on travaille pour la gloire du jazz, pas ?) — Envoies-en tout de suite de quoi faire deux ou trois numéros — je t'emmerde bien cordialement… "
Boris Vian, Lettre inédite à Jean-Marie Soreau,
25 septembre 1951,
in La Main de singe, numéros 5 & 6, automne 1992





Le dernier jour de Boris Vian (1990)

La rue Watt


Boris Vian, La rue Watt, chantée par Philippe Clay

C'est une rue couverte
C'est une rue ouverte
C'est une rue déserte
Qui remonte aux deux bouts

Un jour, j'achèterai
Quelques mètres carré
Pour planter mes tomates
Dans la rue Watt...


LIEN :

Boris Vian ne plantera plus ses tomates dans la rue Watt


Une mauvaise copie de la Rue Watt

mercredi 2 mars 2011

Intraduisible comme une musique

Les Grandes Moissons, route de Charleville, Ardennes
par L. Watt-Owen © 2009 
click to enlarge
 
" Il existe une heure de la soirée où la prairie va dire quelque chose. Elle ne le dit jamais. Peut-être le dit-elle infiniment et nous ne l'entendons plus, ou nous l'entendons, mais ce quelque chose est intraduisible comme une musique... "
Jorge-Luis Borges, L'auteur et autres textes
trad. Roger Caillois, NRF

mardi 1 mars 2011