mardi 3 juin 2014

Jean Louis Schefer : "Ce que nous construisons hâtera enfin la ruine de nos illusions…"

Paris Bordone Les Joueurs d’échecs
click to enlarge
En 1969, Jean Louis Schefer publiait Scénographie d'un tableau, dans l'alors fameuse collection Tel Quel, aux éditions du Seuil, où cependant il détonnait, comme les quelques textes qu'il donna dans la revue dirigée par Philippe Sollers, dont il s'émancipa bien vite, n'étant guère du genre de la maison. S'il n'avait rien à voir avec les goûts littéraires, philosophiques et esthétiques de Philippe Sollers et des autres telqueliens, n'en partageant ni la culture, ni les références tutélaires, ni les cocasses positions politiques, Jean Louis Schefer était en revanche ami et lecteur de Roland Barthes, et celui-ci ne manqua pas de saluer cette parution qu'il jugeait importante : à ses yeux elle constituait l'amorce d'une œuvre singulière. L'ouvrage "analyse" un tableau fascinant de Paris Bordone, Les Joueurs d'échecs. Ce premier livre était en quelque sorte pris dans les inévitables obsessions structuralistes de l'époque tout en s'en échappant sans cesse et en ne s'y réduisant jamais. Tout au contraire, le lecteur averti y découvrait en quelque sorte la naissance d'un style sans équivalent parmi ses contemporains. Jean Louis Schefer reprend aujourd'hui ce livre, sous un autre titre, Les Joueurs d'échecs, chez POL. On salue cet éditeur d'avoir entrepris depuis quelques années de rassembler et donner toute l'œuvre de Jean Louis Schefer, publiant tour à tour inédits, commandes (ainsi les 4 volumes du journal Main courante) et nouvelles éditions de titres parus de façon dispersée et devenus souvent introuvables. 
L. W.-O.


Extrait :

« … ce que nous construirons hâtera enfin la ruine de nos illusions, l’inexactitude des savoirs appris, et le paysage que nous laisserons, les demeures bâties, les cambres dessinées garderont le pli du papier sur lequel pourrait flotter le hasard de pays inventés.
Mais, faisons-nous jamais autre chose ? Travaillant au détail, comme épuisant un corps que l’amour ne peut régénérer, l’amateur de peinture n’est bientôt plus historien. Son étude est celle du flot mobile des illusions et des hypothèses successives de la forme humaine. Il n’en n’est pas le clinicien, à peine le romancier ; s’il appartient lui aussi à l’image du miroir, c’est pour savoir que toute image peut remplacer tout autre corps, commander ses passions d’illusion, en offrir la dernière consolation. » 
J. L. SCHEFER


On trouve également sur le site de l'éditeur deux videos, où Jean Louis Schefer évoque ce livre et en lit quelques pages :








BONUS :

Alain Veinstein, fidèle lecteur de Jean Louis Schefer, le recevait l'autre nuit dans son émission Du jour au lendemain, sur France-Culture. On peut réécouter cette émission et en télécharger le podcast.

Autres billets consacrés à Jean Louis Schefer 
sur le site La Main de singe.


Jean Louis Schefer : L'HOMME ORDINAIRE DE LA BIBLIOTHÈQUE (Archives Main de singe, 1991)









Aucun commentaire: