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Clément Rosset par M. Gener, El Pais |
HOLD UP POUR LIRE CLÉMENT ROSSET
Ayant appris que Philosophie Magazine donnait, sous un titre aberrant à la "Libé" (Les visiteurs du Soi !!!) dans son numéro d'été un entretien, paraît-il copieux, entre Pierre Bayard et Clément Rosset, je fus d'abord fort surpris. La dernière fois que Clément Rosset avait accepté de collaborer à ce canard édifiant, c'était trois ans plus tôt et il s'en était après coup trouvé mal à l'aise, au point de publier sur son site une savoureuse "boulette" :
"Je déplore le texte de mon « Interview », publié en août 2012, dans l’album hors-série que je n’ai malheureusement pas eu l’idée de lire avant sa publication. Il s’y trouve, outre quelques sottises, deux faussetés matérielles que je dois rectifier. Naturellement je n’ai jamais téléphoné à la police pour appeler à la rescousse des professeurs menacés par les étudiants (je n’ai d’ailleurs jamais, à ma connaissance, téléphoné à la police). La scène des étudiants qui craignent d’être égorgés vifs par les professeurs, dont j’ai été effectivement témoin, se passait du reste non pas à la Sorbonne en 1968 mais en 1969 à Nice. D’autre part je n’ai jamais été sceptique et réactionnaire (l’un s’oppose d’ailleurs à l’autre), pas plus j’imagine que Robert Crumb, au sens usuel, c’est-à-dire politique du terme. Si j’ai dit cela c’est que j’ai pris un mot pour un autre, comme le dirait Jean Tardieu."
Pour être vache, par souci d'exactitude, Clément Rosset n'en était pas pour autant devenu ressentimenteux. Il donnait donc une nouvelle chance aux ahuris rédacteurs de ce magazine pour ahuris.
La curiosité me taraudait donc énormément. Mais acquérir ce numéro n'était pas pour moi un acte simple.
Il y a des choses que je me refuse, de honte, à aller acheter, comme par exemple du fromage qui pue, de la pornographie, un livre de Michel Onfray, des dragées Fuca, un roman français contemporain, une place de spectacle, les programmes télé, un article religieux et autres saloperies, etc…
Ma répugnance est telle d'aller, primo, dans une maison de la presse, deuzio, réclamer et tripoter un canard du genre de Philosophie Magazine, qu'aficionado inconditionnel de Clément Rosset, dont je ne manque jamais rien, je me trouvais devant un bien cruel dilemme.
Mais que ne ferais-je pas pour satisfaire mon vice rossettien ! Comme je passais par Vermenton, bled sinistre écrasé par la canicule et présentement déserté de tout élément démocratique (où le grand Restif de La Bretonne cacha jadis des billets doux et des vacheries dans les fentes d'un mur où ils se trouvent toujours), je résolus d'en profiter.
M'enhardissant jusqu'à décupler ma sudation, chaussant d'opaques imitations de Ray Ban et vissant mon bob noir jusqu'aux sourcils, j'ai bondi de la voiture directement chez le marchand de journaux tuants et de tabac mortel, attrapé fissa le Philosophie Magazine, payé la chose sans attendre la monnaie et regagné le cockpit de la Laguna ordonnant à la belle fée qui me pilote de démarrer aussi vite qu'après un hold-up.
Tandis que le bolide fonçait par des paysages rustiques africanisés par le cagnard, j'ai arraché dans le numéro les pages de l'entretien en maudissant la publicité mensongère de l'article prétendu copieux : quelques malheureuses pages sur des centaines d'âneries effarantes. L'aiment-ils autant qu'ils le prétendent ces magasiniers de la philosophie pour lui offrir un espace si riquiqui ?
J'ai descendu la vitre et jeté aux bestiaux des pâturages le reste du numéro. La lecture de la chose me prit si peu de temps que c'était tout de suite déjà fini. Mais la moindre minute avec Clément Rosset dope son homme pour plusieurs jours.
L.W.-O.
Rappel : Clément Rosset dans La Main de singe