lundi 17 avril 2017

"Des livres vrais d'abord ! La vie est courte !"

La Vague, photographe inconnu, 19ème siècle — © BNF




Jules Michelet, Feuillet manuscrit de La Mer, fo 98
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"Des livres vrais d'abord ! La vie est courte !" clamait déjà le grand Jules Michelet, que quasi plus personne, bien-sûr, ne lit. À part des cons rebutants ou des universitaires soporifiques. Le 11 mai sort en format poche un copieux choix de son Journal. Pourquoi diable ne pas l'avoir réédité tout entier ? L'éditeur, radin et mesquin, a une fois de plus mégoté et chipoté, taillé dans le lard etc… Malgré tout je vais sauter sur ce mirifique Journal même réduit. Il va m'accompagner un bon bout de temps. 

Sacré Michelet ! On n'est jamais déçu en le lisant. C'est au contraire la foire aux belles surprises, et un festival question style. Son Journal est aussi plein de cuculeries, d'ingénuités, d'extravagances, de conneries sentimentales et de conneries tout court, etc… mais même ces faiblesses restent du pur Michelet, et nous trouvent plus ravi que grincheux. Quant à ses délires, on a tout de même la tête assez claire pour en ricaner plutôt que de s'en offusquer du haut d'un jugement moral ou en partager le point de vue débile.

Roland Barthes le célébra jadis, à une époque où Michelet passait de mode, dans ce qui reste sinon son seul livre lisible du moins son meilleur. Barthes s'est rendu fameux avec ce Michelet par lui-même, louable mais vaine prétention dans les années cinquante, de le faire lire aux nouvelles générations dont il était une des têtes émergentes, mais coiffée d'un béret basque. Malraux était alors un des derniers à se camer avec du Michelet, au point de singer grotesquement son lyrisme. Les historiens allaient lui règler son compte, au petit père Michelet. Le jeune Barthes, avait de la tendresse pour lui et été touché par la grâce de sa sensualité verbale mais avait flairé que c'était foutu pour ce gaillard de la prose. À contrecourant, et par une sorte de coquetterie, il s'en réclama, dans cet hommage farci de citations excitantes qui le posa-là, lui l'inconnu, comme en quelque sorte un Michelet moderne, le nouvel auteur jouissif, garantissant ce qu'il n'appelait pas encore le plaisir du texte. Ceux qui ne se seraient pas risqué à revendiquer le ringard Michelet ne jurèrent plus que par Barthes. Tout le monde désormais révère Roland Barthes et s'en pourlèche, mais plus personne ne se soucie de lire Jules Michelet pour le pur plaisir. Barthes n'a pas rendu Michelet lisible. Mais la moindre page de Michelet rend Roland Barthes illisible. Fade est Barthes comparé au délectable Michelet. Du moins quand on a du goût, et quelque jugeote.

Je fais du vide dans mes rayons pour ménager une belle place à ce gros volume de son Journal amputé. Voilà des années que j'ai été privé de cette lecture par l'huissier, qui, lui, n'a pas hésité à la bazarder toute entière, ma bibliothèque, du moins tout ce qui était bon, me laissant la drouille, dont tout Roland Barthes. Cet huissier avait du goût ! Je fus zibé de tous mes Michelet, la plupart en éditions d'époque, car ça ne valait pas cher quand je m'en étais, par hasard, toqué complètement, dans les années 70 : plus personne n'en voulait à l'époque, malgré le bouquin de Barthes réédité à tour de bras. 


Comment ne plus avoir à portée de mains par exemple son incroyable La Mer ?!!!? Ducasse et Rimbaud en furent des lecteurs excités au dernier degré : Michelet fut l'un de leurs plus dopants inspirateurs. 

Après l'huissier, j'ai peu à peu, au fil des lentes rééditions, ou grâce au hasard des Puces, racheté du Michelet. Me manquait encore ce Journal que le nombre de pièces dans ma poche m'empéchait d'acquérir : chez les bouquinistes les vieux volumes "Viallaneix" valent la peau-du-cul là où ceux de Barthes, qui pullulent, ne valent, eux, plus tripette. C'est Roland Barthes, car il m'agace, que j'ai viré de ma bibliothèque pour faire place et honneur à l'épatant Michelet. Lisons Michelet sans plus jamais penser à Barthes, de grâce !

Je fais le pari que les agents moraux contemporains, bien souvent nourris au téton flasque du béret basque de Roland Barthes, cette nourrice des pires têtes de cons de ce temps, lui chercheront des poux dans la tête, à Michelet. 

L. W.-O.

1 commentaire:

Michel a dit…

Michelet est presque le seul historien que j'ai un peu lu, un littéraire avant d'être un petit soldat en papier comme bien des historiens universitaires soporifiques, chiants comme pas possible, comptant le nombres de bombes, de chars et d'horreurs avec les dates exactes, oh oui ! exactes (ils sont payés pour ça).
Des emmerdeurs de dociles étudiants bientôt aussi cons qu'eux...