vendredi 26 janvier 2018

Éloge du délit de sale gueule


Je pratique sans vergogne le délit de sale gueule : tous ceux qui la ramènent dans le poste, sur la toile, sur la moindre tribune, tous ceux qui veulent se vendre, me convaincre, me bourrer le mou, me pédagogiser, qui me font du chantage moral, me prennent pour plus con qu'eux qui ont tout compris, tous ces agents moraux, ces spécialistes, ces infatués auteurs, ces pipoles, ces baratineurs intarissables, ces faux cul, ces lèche-cul, ces groins sonores, journalistes, écrivains, philosophes, chroniqueurs, acteurs, politiques, animateurs de talk-show, etc…, tous ceux qui me prennent de haut ou, encore pire !, pour leur semblable ! etc… ces tronches de cake (comme on disait dans mon vieux temps) portent leur saloperie, leur connerie, leur abjection, leur ignominie, leur stupidité, leur vanité, leur infatuation, leur orgueil, leur trouille, leur manque de génie, leur inculture crasse, leur manque de goût, leur misérable sexualité, leur perversité, leur prétention inouie sur le visage. Ils la ramènent sur tous les sujets, ont toujours quelque chose à dire, toujours quelque chose à nous fourguer la main sur le cœur, leurs ignobles bouquins, idées, spectacles, programmes, leçons de vie, promesses, recettes, solutions, et autres refrains à la con à vendre etc… 



Ils se répandent partout. Ils sont devenus inévitables depuis qu'ils portent, en plus, plusieurs casquettes. Ce cuistot étoilé écrit des essais sur l'oppression cybernétique et milite pour les toilettes sèches, ce romancier effarant est aussi critique, éditeur, membre de jury et a des idées en matière de géopolitique, de réchauffement climatique et de sport, il va bientôt sortir un disque, cette starlette se pique de coaching, de mécanique et de taoïsme, cet universitaire incontinent est aussi un marathonien de l'extrême, ce repenti d'une secte est un fondu de cuisine moléculaire et spécialiste des films de François Truffaut, ce rappeur analphabète est devenu un grand acteur et publie son autobiographie où il cite Schopenhauer, ce ministre des finances videur de nos bourses publie un roman où il nous raconte comment il se masturbe dans sa baignoire en lisant Thomas Bernhard en boche, cet ancien hurleur punk se produit désormais avec les Enfoirés pour les Restos du cœur, cette ex-politicienne s'est reconvertie dans la pédagogie sexuelle et se dévoue dans l'humanitaire, cet auteur de best-sellers est devenu réalisateur et se réclame d'Orson Welles et Tarkowski, cette putain d'actrice balance son porc, cet humoriste sinistre est féru de Michel Onfray, ce présentateur de JT fait son outing dans un magazine gay en exhibant ses tatouages et ses cicatrices et déclare sa double passion pour Cioran et une série télé gore et se dévoue dans le privé pour les enfants atteints de maladies rares en faisant des selfies dans les hopitaux, cet ancien mannequin anorexique écrit des livres contre le tabac, le cannabis et la betterave rouge, cette merdeuse de Télé Réalité connue pour les ravages de son vagin accueillant dans le monde politique fait des publicités pour les déplacements durables en trottinette électrique et lance une pétition contre Donald Trump,  etc… 
Je refuse de les lire, de les écouter, je ne peux absolument pas les voir et leurs immondes petites affaires ne me regardent pas. Je n'ai rien à voir avec eux et ne veux absolument pas marcher dans leur combine. Je m'abstiens sanitairement de leur prêter la moindre attention. Je les ai d'avance en aversion radicale. Il me suffit pour qu'ils me répugnent, d'avoir croisé une seconde dans un kiosque, une librairie, sur la toile ou à la télé leur gueule impayable de tarés absolus et d'ordures abjectes, leur suffisance satisfaite de connards et connasses, qui croient que je vais leur faire crédit. 
Leur gueule, que dis-je ! : leur sale gueule. Leur grande gueule. Leur sale grande gueule. Leur tête de con. Leur grosse tête, flatulente et puante, d'enflures. Leur trogne effarante et éloquente à elle seule de ce qu'ils sont. Qui ne me revient décidément pas, et ne me reviendra jamais. 
En pratiquant sans vergogne le délit de sale gueule, je m'épargne ainsi de lire, écouter, regarder, fréquenter tout ce beau monde. Je les devine au premier coup d'oeil : ils incarnent leur propre caricature.

L. W.-O.

samedi 1 juillet 2017

Grand Concours International de "Doubles de Clément Rosset" : 1000 champions ex-aequo !







Parrainé par La Main de Singe, le premier Grand Concours International de Doubles de Clément Rosset (édition 2017) s'est déroulé cette semaine au Néo-Mexique. Le philosophe participait paraît-il lui-même, incognito, à cette compétition et comme à son ordinaire se montra d'une telle discrétion et d'une telle modestie qu'il ne se distingua jamais du lot ni ne se fit remarquer plus qu'un autre. Nul ne peut affirmer qu'il était présent, mais nul ne peut non plus affirmer le contraire. 

Rappelons qu'il ne s'agissait pas d'un simple championnat de vulgaires sosies. Les candidats devaient certes non seulement ressembler un minimum à Clément Rosset, mais, d'autre part, connaître un maximum ses ouvrages et sa philosophie, à savoir aussi bien sinon mieux que lui, au point qu'on pourrait croire qu'ils en sont l'auteur lui-même. Le critère majeur était que l'on puisse être vraiment pris pour Clément Rosset, tout en ne se prenant pas soi-même pour Clément Rosset. Rude challenge, qui excluait tous les farceurs, tous les imitateurs, tous les dingues, tous les sosies, dont certains peuvent certes ressembler à Clément Rosset plus que le philosophe lui-même, mais ouvrent-ils la bouche de leur tête si troublante qu'on peut voir illico qu'elle n'est pas équipée d'un cerveau adéquat.

Ce Concours se déroulait à guichets fermés, dans les salons du Mateo, le plus luxueux hôtel du Néo-Mexique. Il a attiré, du monde entier,  un millier de compétiteurs répondant à tous les critères énumérés plus haut. Ce nombre faramineux a donné lieu à un fort comique imbroglio qui restera dans les mémoires et même dans la légende locale. Le Néo-Mexique se souviendra longtemps de ce jour incroyable : enfin il se passait quelque chose au Néo-Mexique, et quelque chose de pas commun, un phénomène unique au monde.

En effet, la quasi totalité des indigènes néo-mexicains se sont précipités aux Urgences Psychiatriques, tous terrifiés d'avoir vu le philosophe français tant de fois de suite et aux quatre coins de la ville à la fois que, de deux choses l'une, soit celui-ci était vraiment doué du fantastique don d'ubiquité, soit ils étaient devenus dingos. Le Concours étant privé et n'ayant pas connu de publicité, on ignorait sa tenue.

D'ordinaire, quand Clément Rosset passe ses vacances, comme depuis des dizaines d'années, au Néo-Mexique, il est d'une telle discrétion, reclus dans sa petite maison de la montagne, que nul, alors, ne peut assurer qu'il soit bien présent sur l'ile. 

Cette soudaine pullulation d'apparitions du philosophe a de fait donné la berlue aux locaux. Non seulement tout le monde affirmait l'avoir aperçu, mais chacun certifiait même l'avoir croisé plusieurs fois de suite : ils le croyaient derrière eux et voilà qu'il était maintenant à nouveau devant eux, et un plus loin ils retombaient encore sur lui, etc… On le remarquait en terrasse sirotant du vin frais et voilà qu'il était au même moment sur le trottoir d'en face en train d'essayer un tuba, un masque et des palmes au grand Bazar. Un taxiteur qui le transportait faillit avoir un accident quand un autre taxi transportant lui aussi le philosophe le doubla, lequel, effaré à son tour, croisa d'autre taxis transportant tous le même client que lui et tous ces professionnels pourtant doués d'une vue parfaite n'en crurent pas leurs yeux. Chacun de ces malicieux passagers, interrogés par les taxiteurs, confirma qu'il était bien, lui, le seul et unique Clément Rosset en personne.

Tandis que le Concours battait son plein, tous les indigènes faisaient, eux, la queue devant les Urgences, où aucun psy n'était en mesure de les recevoir. Et pour cause ! : ces professionnels de la dinguerie avaient eux-mêmes croisé cent fois de suite Clément Rosset et doutaient désormais sérieusement de leur propre santé mentale. Ils faisaient donc discrètement la queue avec ceux qui venaient les consulter.

Le règlement de ce concours original stipulant que seuls gagneront les perdants puisqu'un aficionado convaincu de Clément Rosset ne saurait se revendiquer le double parfait du philosophe bien qu'il lui ressemble jusqu'à la confusion, tous les candidats ont été recâlés et de fait sacrés champions ex-aequo et se sont congratulés joyeusement comme un seul homme avant de trinquer en l'honneur du natif de Carteret. 

Chacun s'est vu remettre comme médaille un authentique camembert normand très coulant, de marque La Force Majeure, et a eu bien du mal à le porter autour du cou sans saloper sa chemise, mais tous ces champions étant de joyeux tempérament, aucun d'entre eux n'en a fait un fromage. On s'abreuva énormément, on mangea tout aussi démesurément et on dansa la jota jusqu'à la transe dans les rues.

J'en profite pour annoncer le lancement de deux autres compétitions internationales parrainées par La Main de singe : le Concours International d'Imitateurs de Thomas Bernhard (qui se déroulera l'an prochain à Gmunden), et le Concours International de Réincarnation de Samuel Beckett (qui se tiendra à Ussy, avec comme bonus un cruel Stock-Car de 2CV). On peut d'ores et déjà s'inscrire à nos bureaux.
L. W.-O.





mardi 27 juin 2017

"Un risque de dommage sérieux pour la réputation de l’auteur…"




"Le fait d’écrire, outre le labeur exorbitant qu’il implique, comporte également un risque de dommage sérieux pour la réputation de l’auteur. Car c’est un des effets les plus curieux mais aussi les plus fréquents du passage à l’écriture que d’amplifier et décupler la médiocrité de propos ou de pensées qui, exprimés oralement et sous forme de conversation, peuvent fort bien « passer », apparaître même comme assez fins et justes. Je ne me suis jamais clairement expliqué la nature de ce mécanisme impitoyable qui transforme presque à tous les coups, du seul fait de la transformation de la chose parlée en chose écrite, une réflexion qui semble originale en platitude piteuse, une remarque qui semble pénétrante en trivialité, une idée qui semble intelligente en sottise, et ainsi de suite, – bref, qui transforme le plus souvent un homme intelligent, lorsqu’il n’écrit pas, en homme borné, lorsqu’il entreprend d’écrire. Je me contente donc de mentionner le fait sans l’expliquer, laissant à d’autres, s’ils en sont capables, le soin d’élucider le mystère."

Clément Rosset, Le Choix des mots

lundi 26 juin 2017

"Maintenant, nous savons que n’importe quoi peut nous tomber dessus…"

Ingmar Bergman



"Mes cauchemars sont toujours noyés, inondés de soleil et je hais les régions méditerranéennes justement pour cette raison. [...] Quand je vois un ciel infini sans nuage, je me dis, tiens c'est peut-être la fin de notre planète…"
***
"Tout existe côte à côte et s'interpénètre ; comme d'immenses motifs qui changent sans cesse ; de la même façon il doit y avoir un nombre illimité de réalités, pas seulement la réalité que perçoivent nos sens mais un tumulte de réalités s'enroulant et se déroulant, dedans et dehors. Seuls la peur et le bon sens établissent des obstacles. Il n'y a pas de limites."

***
"Chaque jour, chaque heure, chaque minute de notre vie est quadrillé. Et dans chaque petit carré, il est inscrit ce que nous devons faire. Les carrés se remplissent au fur et à mesure et bien longtemps à l’avance. Et qu’il y ait soudain un carré sans rien de prévu, nous voilà pris de panique et nous nous dépêchons de le remplir avec toutes sortes de pattes de mouches."

***
"Dans le temps, on croyait que rien ne pouvait nous arriver. Maintenant, nous savons que n’importe quoi peut nous tomber dessus. C’est, en fait, toute la différence."

***
"La vie a exactement la valeur qu'on lui attribue."

Ingmar Bergman

mercredi 14 juin 2017

"Mes espaces sont fragiles" (Vivre chez Perec ?)

L'appartement de Georges Perec 
est à vendre sur Le Bon Coin.
Le fantôme est en bonus.

"Bientôt, le vieil appartement deviendra un coquet logement, double-liv. + ch., cft., vue, calme. Gaspard Winckler est mort, mais la longue vengeance qu'il a si patiemment, si minutieusement ourdie, n'a pas encore fini de s'assouvir." 
La Vie mode d'emploi














"J’aimerais qu’il existe des lieux stables, immobiles, intangibles, intouchés et presque intouchables, immuables, enracinés ; des lieux qui seraient des références, des points de départ, des sources …


Mon pays natal, le berceau de ma famille, la maison où je serais né, l’arbre que j’aurais vu grandir (que mon père aurait planté le jour de ma naissance), le grenier de mon enfance empli de souvenirs intacts…


De tels lieux n’existent pas, et c’est parce qu’ils n’existent pas que l’espace devient question, cesse d’être évidence, cesse d’être incorporé, cesse d’être approprié. L’espace est un doute : il me faut sans cesse le marquer, le désigner ; il n’est jamais à moi, il ne m’est jamais donné, il faut que j’en fasse la conquête.



Mes espaces sont fragiles : le temps va les user, va les détruire : rien ne ressemblera plus à ce qui était, mes souvenirs me trahiront, l’oubli s’infiltrera dans ma mémoire, je regarderai sans les reconnaître quelques photos jaunies aux bords tout cassés. Il n’y aura plus écrit en lettres de porcelaine blanche collées en arc de cercle sur la glace du petit café de la rue Coquillière : " Ici, on consulte le bottin " et " Casse-croûte à toute heure".


L’espace fond comme le sable coule entre les doigts. Le temps l’emporte et ne m’en laisse que des lambeaux informes…

Ecrire : essayer méticuleusement de retenir quelque chose, de faire survivre quelque chose : arracher quelques bribes précises au vide qui se creuse, laisser, quelque part, un sillon, une trace, une marque ou quelques signes."

Georges Perec, Espèces d'espaces


dimanche 11 juin 2017

une godasse, des Godot










Video : Werner Herzog mange ses godasses



"Voilà l'homme tout entier, s'en prenant à sa chaussure alors que c'est son pied le coupable. "

Samuel Beckett, En attendant Godot





vendredi 9 juin 2017

"Qu'à lever la tête…"

Montagnes de 

"Qu'à lever la tête
c'est la beauté
qu'à la lever
qu'à la
lever.
Je vous embrasse
Sam"

Samuel Beckett, 
Carte postale
de Courmayeur
à Anne Atik
7 juillet 1980


Ci-dessous, d'autres
Montagnes de 




mercredi 7 juin 2017

"N'en parlons pas"



"Les larmes du monde sont immuables. Pour chacun qui se met à pleurer, quelque part un autre s'arrête. Il en va de même du rire. Ne disons pas de mal de notre époque, elle n'est pas plus malheureuse que les précédentes. N'en disons pas de bien non plus. N'en parlons pas."
Samuel Beckett, En attendant Godot

mardi 23 mai 2017

Se prendre la tête



Robert Crumb


"Head on hands
hold me
unclasp
hold me."

Samuel Beckett
Poème
cité par
Anne Atik

dimanche 21 mai 2017

Tête à tête (2) : Beckett et Schopenhauer


Samuel Beckett by The Robot Dictionnary ©

"I found the only thing I could read was Schopenhauer. Everything else I tried only confirmed the feeling of sickness. [...] I always knew he was one of the ones that mattered most to me, and it is a pleasure more real than any pleasure for a long time to begin to understand now why it is so. And it is a pleasure also to find a philosopher that can be read like a poet."

Samuel Beckett, Lettre à MacGreevy 

samedi 20 mai 2017

Tête à tête avec Schopenhauer et mon grand-père


Mon grand-père Léon Belin la première fois que je l'ai vu,
peu après ma naissance, en août 1957.

©L. Watt-Owen

On m'a dit que je fais une drôle de tête quand je lis Schopenhauer ou pense à lui. Je me suis aussitôt demandé quelle tête, lui, il ferait si il me surprenait en train de le lire. Et quelle tête je ferais à mon tour si je le surprenais en train de me surprendre en train de le lire. Quant à la tête que je ferais si je le surprenais en train de me lire, elle est la plus inimaginable.

Schopenhauer me parle comme personne, à part mon grand-père Léon BelinCe pauvre vieux paysan bourguignon né au 19ème siècle, mort en 1981, eût été le lecteur idéal de Schopenhauer. Il fut l'autodidacte total. La culture de cet incollable était impressionnante : il ne fréquenta l'école publique que quelques semaines avant d'être placé à neuf ans comme valet de ferme. Il apprit tout tout seul, dans son coin. Les gens disaient qu'il avait tout lu. C'était loin d'être le cas, certes, mais il en imposait comme si ce l'était. Et dans son coin de Morvan, sinon des dizaines de kilomètres à la ronde, nul n'était plus affûté en jugeotte comme en style. On le redoutait à juste titre. 

J'ai suivi la même voie et me suis toujours montré rebelle et sourd à toute pédagogie. La mise en pratique de mon goût de l'isolement farouche m'a semblé la chose la plus naturelle — d'autant que  j'y ai été aidé par mon aversion instinctive pour toute grégarité, que je tiens de ce grand-père à qui personne ne s'avisait de taper dans le dos (sauf moi, qui prenait aussitôt un coup de sabot dans le cul). Et puis je constate que je n'ai rien eu à faire pour que l'on me foute la paix : peu s'aventurent à me fréquenter et encore moins y parviennent. J'ai dû admettre, ma modestie dût-elle en souffrir, que l'on me redoutait et que j'indisposais et je donne raison à tous ces mouille-cul : ils en sont bien avisés. "Y'en a qui ont essayé… Ils ont eu des problèmes" comme disait, sans savoir qu'il citait Schopenhauer, le premier de la classe Macron (lequel n'est pas si cultivé que le prétend la légende, malgré le fait que sa Brigitte de femme lui lit du Grégoire Delacourt et du Amélie Nothomb et du Angot le soir à l'Élysée pour l'endormir).

Je ne peux pas lire Schopenhauer sans penser à cet élégant lanceur de vacheries qu'était le père de ma mère : lui aussi n'épargnait personne et pire que se contrefoutre de ne pas se faire que des amis il s'en réjouissait. À chaque fois que je lis Schopenhauer, je crois l'entendre.  La cruauté de ses traits laconiques, aussi imparables qu'irréfutables, faisait mal et leur leçon était inoubliable. Il ne vous loupait pas. Même ses silences étaient redoutables. 

Enfant et adolescent je fus une de ses têtes de turc, mais les souvenirs de ces râclées verbales électrisantes me sont plus précieux et instructifs et profitables que les démonstrations d'affection dont il fut du reste si avare que je ne m'en souviens d'aucune. 

C'est de lui que je tiens le plus. 
Outre de son briquet "Tempête", de son goût pour le tabac Scarferlati de marque Bergerac orange roulé dans du Job n°38bis non-gommé dit incombustible, ou encore de sa  vieille radio Ducretet-Thomson de 1939, j'ai hérité de son caractère et de son tempérament. Lorsqu'après sa mort je me suis mis à lire Schopenhauer, j'eus à la fois la sensation de le retrouver et de le lire pour lui, par procuration. 

Nous sommes donc trois quand je lis Schopenhauer. Trois misanthropes solitaires qui se comprennent à mi-mot. Schopenhauer et mon grand-père n'ont aucune indulgence envers moi et ne me font nullement la fleur de m'épargner plus que qui que ce soit d'autre. Je les observe et les écoute sans trop me vexer : ils sont comme ces deux lascars, les légendaires Ho-Ho, qu'évoque Clément Rosset : "deux demi-Dieux chinois toujours ensemble, l'un racontant à l'autre qui s'en plie les côtes, les dernières bévues des hommes dues à leur sottise. C'est dans cet esprit Ho-Ho qu'on peut rire des catastrophes qui arrivent à l'humanité et qui dans neuf cas sur dix ne sont pas dûes à la fatalité mais à la bêtise des hommes."

L. W.-O.













lundi 1 mai 2017

Pays de merde (Ça sent si bon la France !)




Ah que la France-aux-français est belle ! 
Ça sent si bon, ce pays de merde aux 70 millions de trous du cul !

L. W.-O.

mardi 25 avril 2017

La Tête-de-veau et la Tête-de-lard














 22 août. R. B., le critique à la mode, avec sa tête de veau; je viens de penser sans raison aucune à la lettre qu'il m'a envoyée en réponse à ma préface à Maistre. "Je n'ai rien lu de vous…" Je croyais le bonhomme plus modeste. Rien n'est pire que l'orgueil qui se dissimule sous une physionomie bovine. On ne prend des allures franches — d'une franchise voisine de l'impertinence — qu'avec des gens qu'on estime de loin ses inférieurs. Du reste la franchise — dans les relations littéraires — est indiscernable de la goujaterie ou de la provocation. On n'a pas le droit de dire à un auteur ce qu'on pense réellement de son œuvre : à moins qu'on ne l'admire. Mais combien d'auteurs peut-on admirer ? "

Cioran, Cahier de Talamanca