La semaine dernière, j'ai mis en ligne un virulent "billet" qui "sigrolait" (comme on disait dans mes montagnes) Michel Onfray et surtout son public et ses lecteurs. Il m'attira illico des commentaires et des courriers indignés : en gros, selon eux, je n'étais qu'une saloperie publiant des saloperies, et sur ce point je ne leur donne pas tort, j'en suis même assez fier. Ce billet était ignoble d'après ces âmes sensibles aussi outrées que j'avais été outrancier, et aussi caricaturales que je les avais caricaturées.
Cela aussi je l'admets bien volontiers, et j'ajoute même que j'étais resté dans les limites de la politesse et de la courtoisie, car en réalité je suis mille fois plus ignoble, une ordure dans toute sa splendeur.
Toutefois je récuse le qualificatif de "méchant" : la méchanceté, j'en suis tout autant incapable que la bonté. Je ne suis pas méchant, je suis cruel, autrement dit irréfutable. J'ai un goût immodéré pour la pure vacherie. La vacherie pour le fun. Et en l'occurrence, je me contrefous royalement d'Onfray et de ses adeptes hallucinés : lui je ne le lis pas, et eux je les emmerde.
D'autres commentateurs vertueux m'ont demandé pour qui je me prenais, ou, variante : qui j'étais, moi, pour oser attaquer Onfray et ses disciples ? "Vous n'êtes personne, même pas un écrivain ! Où est votre œuvre pour vous en prendre ainsi à celle d'Onfray ?". On m'a même fait miroiter un chouette chantage : ou je retirais ce billet, ou j'allais devoir en répondre devant les tribunaux, n'importe quel auditeur ou lecteur d'Onfray pouvant se sentir diffamé et se trouvant de fait en droit de se considérer victime de mes propos.
J'en passe et des meilleures… Brèfle…
Et voilà-t-il pas que dès le lendemain l'immonde billet n'était plus en ligne !
Ce serait-il donc que j'aurais plié devant les menaces, sinon même fait amende honorable ?
Je ne voudrais pas laisser croire à ces zozos qu'ils peuvent crier victoire.
Seule une malencontreuse boulette de manipulation est la cause de ce retrait.
Et le truc étant perdu il me fallait tout le retaper, en grande partie de mémoire, car je ne fais jamais aucun brouillon.
Fort heureusement je suis hypermnésique, pathologie souvent bien utile, et dopé au magnésium et au saucisson de montagne j'ai retrouvé une vitalité suffisante pour vaincre ma paresse naturelle.
Je redonne donc, augmenté de ces réflexions, le fameux billet, dans toute sa splendeur de saloperie.
En revanche je ne donne pas les commentaires : car ils sont anonymes. Ce sont œuvre de ce que j'appelle "rats de blogs".
Qu'est-ce qu'un rat de blog ?
C'est une répugnante bestiole qui s'introduit dans les sites des autres via les commentaires et laisse ses puants excréments sans le courage d'y planter sa carte de visite. C'est un courageux défenseur de la vertu qui n'a toutefois pas le courage de signer. C'est une grande gueule qui se défile. C'est un parasite cybernétique qui ne dit pas son nom. C'est un froussard au trouillomètre dans le rouge.
Moi qui suis bien fier de n'être personne et ne me prends pas pour un écrivain, on sait où me joindre, je montre ma gueule, et mes sobriquets sont transparents. Je ne redoute sur cette terre que la maladie et les médecins. Je persiste donc, et je signe.
Ces chevaliers blancs de la tolérance, qui me rappellent vertement à son usage obligatoire, sont comme tous les adeptes de cette fumisterie : pas plus intolérant qu'un militant de la tolérance ! Quant à leur gourou Onfray, question tolérance, il n'a pas de leçons à donner. Il ne supporte pas la moindre contradiction. Et que je sache il ne mâche pas ses mots pour dégommer ceux qui se trouvent en travers de son raisonnement.
Quant à moi, j'affirme mon intolérance. Pire même : je la cultive. Je passe ma vie à éviter ce qui me répugne d'instinct. C'est tout un art. Car ce qui m'insupporte est partout.
Irriter les irritables, indigner les indignables, faire gémir les plaignants, botter le cul des accroupis, emmerder les emmerdeurs, etc… : c'est pour moi une belle jubilation.
Et je constate à mon grand dam que peu d'idiots dans mon genre se consacrent à ce sport de haute catégorie sur la toile "littéraire" "française" (oh ces deux atroces adjectifs !). Et que je suis moi-même bien assagi et mesuré sur ce blog la plupart du temps. Sans doute vais-je en profiter un peu plus. C'est un grand honneur que de se faire des ennemis alors que le ouèbe semble tout entier conçu pour se faire des amis.
Pour être outrancier et intolérant, je n'en suis pas moins attentif aux bémols que peuvent exprimer des auteurs et des blogueurs dont je suis le lecteur réjoui. C'est ainsi que je prends pour moi (même si ce n'est dans doute pas le cas) ce qu'écrit Éric Chevillard dans son billet du mardi 5 avril, n°1200 de son Autofictif que je lis tous les jours depuis le n°1 :
" Nous tombons sur le râble des écrivains médiocres que le succès couronne malgré tout. C'est injuste. Ils n'ont rien fait en somme qu'écrire médiocrement en faisant de leur mieux, les malheureux. C'est leur succès qui nous consterne. Ils payent alors pour leurs lecteurs malavisés dont nous ne pouvons pourtant savonner une à une les trois cent ou cinq cent mille frimousses. "
Un blogueur, anonyme lui-aussi, m'a envoyé le commentaire suivant :
" Mais qu'est-ce qu'il t'a donc fait l'Onfray ? Et cette noble dame qui prenait la défense de l'outragé et s'indignait ? Qu'est-ce que t'es méchant, quand tu t'y mets… Moi j'aimerais bien lire la lettre de la noble dame en question… Et qu'on les laisse vivre, non ? Ils n'ont fait de mal à personne… L'Onfray, il fait son Onfray, toi tu le conchies, la noble dame le défend, moi je m'en fous, chacun défend sa (non) place ridicule dans le cosmos, non ?"
Je le remercie et lui réponds par ce mot de Talleyrand, cité par Clément Rosset :
" À un solliciteur éconduit par Talleyrand, qui se plaignait en disant " Il faut tout de même bien que je vive ! " Talleyrand aurait répondu par ces mots aussi atroces qu'irréfutables : "Personnellement je n'en vois pas la nécessité. "
J'ajoute à son intention que je ne tolère pas, sur la toile comme dans la vie, l'usage du tutoiement. Je ne le supporte pas de la part de ceux que je fréquente avec joie, comme je ne saurais l'admettre de la part d'un(e) inconnu(e) anonyme. Il ne m'étonnerait pas que dans les rangs de cette partouze ou plutôt de ce gang-bang verbal que sont les cours d'Onfray, les adeptes se tutoient automatiquement. Ce qui ajoute encore à ma répugnance.
MICHEL ONFRAY, L'AMI PUBLIC N°1