" Tout misanthrope, si sincère soit-il, rappelle par moments ce vieux poète cloué au lit et complètement oublié, qui, furieux contre ses contemporains, avait décrété qu'il ne voulait plus en recevoir aucun. Sa femme, par charité, allait sonner de temps en temps à la porte."
Sinistres et grotesques pédagogues, sinistres et grotesques gens de théâtre, sinistres et grotesques agents moraux, sinistres et grotesques communicants festifs, sinistre et grotesque public… Alors que je relis L'Enfant et L'Origine pour la énième fois, je tombe par hasard en ligne sur cet effarant et éloquent "Dossier pédagogique"consacré à Thomas Bernhard. Malgré la concurrence des myriatonnes de conneries écrites à propos de Thomas Bernhard, ces crétins battent ici un record qui mérite distinction. Voici venue l'époque du "Je suis Thomas Bernhard". "Guillaume Gallienne, c'est Thomas Bernhard !" ????? Et mon cul, c'est du poulet ? "Comme Thomas
Bernhard a grandit (sic !!!!!!) à travers le souhait de son grand-père de faire de lui un artiste accompli,
Guillaume Gallienne s’est construit selon le désir profond de sa mère d’avoir une fille. Tous
deux ont en fait vécu leur jeunesse par procuration avec un proche et l’on (re-sic !!!!) exprimé dans
une de leur création artistique (re-re-sic !!!!)."
Ci-dessus, des "captures" des passages les plus aberrants. Du fond du ciel où il est effectivement devenu l'ange qu'il était sûr de devenir, retentissent le fou rire et les applaudissements de Thomas Bernhard.
L. W.-O.
On pourrait s'amuser à poursuivre la série : "Karim Benzema, c'est Thomas Bernhard !" "Claire Chazal, c'est Thomas Bernhard !" "Les Guignols, c'est Thomas Bernhard !" "Les Enfoirés, c'est Thomas Bernhard !" "Johnny, c'est Thomas Bernhard !" "Christian Estrosi, c'est Thomas Bernhard !" "Les Ch'tis, c'est Thomas Bernhard !" "Michel Onfray, c'est Thomas Bernhard !" "Robert Ménard, c'est Thomas Bernhard !" "Laurent Ruquier, c'est Thomas Bernhard !" "Joséphine ange gardien, c'est Thomas Bernhard !" "Charlie, c'est Thomas Bernhard !" "Le Bataclan, c'est Thomas Bernhard !" "Dodo la Saumure, c'est Thomas Bernhard !" "Téléphone, c'est Thomas Bernhard !" "Le Paquet neutre, c'est Thomas Bernhard !" "Les Toilettes sèches, c'est Thomas Bernhard !" "L'Uberisation, c'est Thomas Bernhard !" "Boris Cyrulnik, c'est Thomas Bernhard !" "Bernard Tapie, c'est Thomas Bernhard !" "Vivement dimanche, c'est Thomas Bernhard !" "Norauto, c'est Thomas Bernhard !" "Nabila, c'est Thomas Bernhard !"" "Le Sextoy, c'est Thomas Bernhard !" "L'État d'urgence, c'est Thomas Bernhard !" "Das Auto, c'est Thomas Bernhard !" "Le Vivre-Ensemble, c'est Thomas Bernhard !" "Les Français, c'est Thomas Bernhard !" "Les Voisins Vigilants, c'est Thomas Bernhard !" und so weiter…
On me demande ce qui m'arrive, ce que je peux bien faire…
Il ne m'arrive strictement rien, puisque je m'y ingénie.
Je ne fais strictement rien.
Je ne change strictement rien à mes bonnes vieilles habitudes, qui sont la garantie de mon confort.
Comme tout le reste de l'année, j'hiberne.
Je me tiens, dans ma tanière, le plus loin possible de tout et de tous. Je calfeutre mon incognito, renforce l'étanchéité de mon terrier, chasse toute lubie de projet et de programme, je m'épargne toute obligation, renâcle d'avance au moindre déplacement et me tiens, sans plus aucune notion du temps ni sens de la durée, le cul sur ma chaise ou vautré sur mon canapé.
Parmi la luxuriance de mon jardin d'hiver, sous des horloges sans piles, des calendriers périmés, des images idiotes, et des murs de livres en vrac, je fume, je roupille, je lis, je regarde dans le vide, je dorlote mes bobos et contiens mes hantises, je chéris mon ennui, je chouchoute ma flemme incurable, je m'empiffre par boites entières de Ferrero Rocher offerts par une fée, je roule des cigarettes et enfume mon hypermnésie, j'apprivoise mes démons, je cultive ma nostalgie, je fais la planche dans le trou à merde, je parle à la mouche solitaire qui est mon seul témoin et la menace vainement avec le Schopenhauer quand elle me tourne autour et vient me chatouiller, je la loupe volontairement à chaque fois mais en revanche j'extermine avec le Schopenhauer la moindre idée qui me titille, je contiens la nausée que me causent mes contemporains, et me félicite de ne plus donner dans le panneau d'aucune comédie, même plus les miennes, etc…
Je vis sans témoins ni mouchards. Je me refuse à mener quelque chose comme une existence. En somme, comme en témoigne avec éloquence, alignée en équilibre sur un rayon plus poussiéreux que les autres, la cinquantaine de beaux carnets offerts chaque année pour y tenir une sorte de journal intime, je mène la belle vie : ils sont tous vierges car elle ne saurait y être plus scrupuleusement consignée, d'avance. Quand cela me chante je relis, ces jours, Nicolas Bouvier, Henri Calet et Robert Walser. J'ai ressorti en me frottant les mains les chroniques de Jacques Perret. La factrice doit me livrer un Bove. Sinon, les yeux fermés, j'écoute en boucleWhat a difference a day made, What are you doing the rest of your life et Ces petits riens.
"Je vadrouille autour de mon passé, j'en ramasse, ici et là, de menus morceaux, il en traîne un peu partout, je tâche à le reconstituer, comme si l'on pouvait exister une fois de plus…"