jeudi 28 janvier 2016

"Comme une bouse"


"Je m'étends, comme une bouse, sur toutes les vérités… Elles en deviennent confortables et flasques. Cette molle philosophie me plaît."
Cioran, Le Pour et le Contre

"Alone in this room"






" I am alone in this room as the 
world washes over me.
I sit and wait and wonder.
I have a terrible taste in my mouth
as I sit and wait in this room.
I can no longer see the walls.
everything has changed into something else.
I cannot joke about this,
I cannot explain this as
the world washes over me.
I don’t care if you believe me because
I’ve lost interest in that too.
I am in a place where I have never been before.
I am alone in a different place that
does not include other faces,
other human beings.
it is happening to me now
in a space within a space as
I sit and wait alone in this room. "



Charles Bukowski

mercredi 27 janvier 2016

Ce quiproquo de l'amitié



Une heure à tuer avec une pièce vraiment cruelle de Nathalie Sarraute,
et pour l'impeccable Jean-Louis Trintignant. Ah l'amitié ! 



Depuis que je l'ai reçu, il y a pile une semaine, On ne meurt pas de chagrin, le nouveau livre de Frédéric Schiffter ne m'a pas quitté. Je l'ai lu illico d'une traite et de suite relu en prenant tout mon temps. Il m'a réjoui au plus haut point, et tout autant remué. Il m'a aussi porté chance (je raconterai peut-être ça). Je reparlerai bientôt ici de ce livre autobiographique singulier et de son auteur, que je lis et relis depuis bientôt vingt ans et tiens, avec Clément Rosset, pour un contemporain majeur. Sur le rayon des écrivains qui comptent à mes yeux (impitoyables !), je le range, à portée de main, entre Cioran et Paul Léautaud, et à quelques centimètres de Georges Perros et William Hazlitt.
Mais d'ores et déjà, je pirate un extrait féroce de son livre, qu'illustre parfaitement la cruelle petite pièce de Nathalie Sarraute, Pour un oui ou pour un non, quant à ce sujet qui fâche et que peu osent aborder aussi franchement : le quiproquo de l'amitié.
L. Watt-Owen

"Sans me tenir en permanence sur mes gardes, je ne m'aveugle pas sur le sentiment de l'amitié. Je ferme les yeux sur sa fausse grandeur par nécessité sociale. Il serait plus digne de nous passer de nos semblables et de nous abstenir de jouer avec nombre d'entre eux la comédie de l'affection. Mais le dieu qui nous a créés s'est amusé à nous rendre dépendants les uns des autres, incapables de vivre sans tisser entre nous des liens que nous entretenons avec peine et souvent à contrecœur. Les affinités entre deux amis ne suffisent pas à entretenir leur relation. S'ils en sondaient le réel contenu, ils découvriraient qu'elles reposent sur un quiproquo. Ils le savent mais refusent de se l'avouer. À part le vague désir de partager, ils ne partagent pas grand-chose — d'où la nécessité de surestimer la nature de leur fictive sensibilité commune ou d'en appeler à l'ancienneté de leur relation afin de mieux supporter leurs petites antipathies qui s'affirment avec les années. Mais quand vient le temps où, dès qu'il se retrouvent, ils s'irritent plus qu'ils ne s'apprécient, leur amitié est morte, même s'ils se donnent un délai pour l'admettre. Ou ils s'épargneront l'épreuve frontale de la rupture — comme on sursoit à une opération chirurgicale jugée peu urgente —, ou ils ne chercheront pas à l'éviter. "

Frédéric Schiffter, On ne meurt pas de chagrin
Flammarion, janvier 2016

mardi 26 janvier 2016

Georges Perros in vivo : "Être seul, et l'accepter…"





"Georges au Sporting" un documentaire radiophonique de Yann Paranthoen (1983). from Médiathèque Georges-Perros on Vimeo.



Georges Perros lit Armand Robin. from Médiathèque Georges-Perros on Vimeo.


" Le fait même de se montrer sans cesse aux autres avec le masque de celui que l'on voudrait être nous fait perdre l'envie d'être véritablement celui-là et de travailler à le devenir.


L'écriture a cette vertu de nous faire exister quand nous n'existons plus pour personne. 


La paresse est sans doute la plus difficile, la plus fatigante façon d'être qui soit.

Le maximum de simplicité va avec le maximum de difficulté quant à soi-même. Être simple n'est pas simple, voilà la gageure. Je n'ai pas rencontré d'individus simples. Et parmi les moins doués, ceux qui disent l'être.

La discipline, c'est d'aimer ce qu'on aime. 

Il y a pire que la modestie. C'est la peur de l'orgueil.

La déception, c'est d'être cru. Même quand on dit la vérité. Surtout.

Ce qu'on est, c'est ce qu'on pense involontairement, et qui nous guide au moment où nous nous croyions perdus. Pensées-oiseaux.

Avoir de l'esprit, c'est proprement ne pas savoir ce qu'on va dire dans cinq minutes.

On peut avoir du génie et être un imbécile. Le contraire est impossible.

C'est une erreur - plaisante à entretenir - de croire qu'on peut faire beaucoup de peine, engager la durée dans le chagrin, comme de croire qu'on peut faire beaucoup de plaisir à autrui. Il y a les sots, qui se suicident pour un bonjour négligé. Les indifférents, qui s'en moquent. Il y a surtout ce qui se passe, et ne peut se passer que dans la solitude, qui n'est rien d'autre que la crête suprême de la Pyramide homme ; dont nous sommes le dernier signe concret. Être seul, et l'accepter ; c'est assumer une harmonie indispensable et près de se rompre perpétuellement par un retrait, une défaillance durable. " 

Georges Perros, Papiers collés



vendredi 15 janvier 2016

Nicolas Bouvier in vivo




PF1139 Nicolas Bouvier - Ecrivain voyageur from Films Plans-Fixes on Vimeo.
"J'ai voyagé comme un escargot, j'ai écrit comme un escargot et les lecteurs se sont mis à me lire comme des escargots…" (extrait de l'entretien ci-dessus)


Récemment mis en ligne par Plans-Fixes,
cet entretien formidable avec Nicolas Bouvier, chez lui.


"Nous ne comprenons la simplicité que quand le cœur se brise."
Nicolas Bouvier

mardi 12 janvier 2016

"La nuit est une sœur"


Les pires de nos chagrins sont peut-être ceux que l'on ne s'est pas montré digne d'éprouver.
L. W.-O.

In memoriam"La" Manu, morte à Noël, à l'âge de 57 ans.

"Toi par dehors, moi par dedans,
posons le front doucement
contre la vitre et coulent nos pleurs également,
la nuit est une sœur.

Timides derrière tes
épaules, lune et vent s'impatientent,
ils veulent allumer ton sourire,
ils veulent sécher ta joue
avant même que tu y penses.

Derrière moi, dans la sombre lueur
des bougies de l'amour aux âpres coulures,
s'angoisse la pauvre chambre,
quelque chose cherche à saisir mon cœur
et me fait trembler.

Vois, toi aussi tu relèves maintenant le front
pour me fuir, moi qu'on a touchée, —
dehors tombe la dernière poire
du haut de la branche alourdie de pluie ;
mon plancher craque.

Pourtant je n'ose me tourner,
les pleurs s'étranglent dans ma gorge,
et les larmes qui m'aveuglent
coulent pour l'âme de l'aimé
qui veille avec la mienne."

Christine Lavant
Les Étoiles de la faim
traduction C. et N. Gascuel
Orphée / La Différence

"There is no escape…"






"LE TAXI : — Où allez-vous ?
LE DÉPRESSIF : — Où vous voudrez !"

Clément Rosset
Didier Raymond
Jean-Charles Fitoussi
La folie sans peine