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Jean-Loup Trassard filmé par Pierre Guicheney par orelienada
Je n'oublierai jamais la découverte, à la fin des années 60, des récits de Jean-Loup Trassard, Érosion intérieure, L'amitié des abeilles, Paroles de laine et ses chroniques dans la NRF et Le Chemin, que je découpais pour en faire de petits fascicules.
L'enfance dont j'étais déjà en train de sortir était là, écrite, noir sur blanc. La ferme, les bêtes, les orées, les champs tordus, les greniers et les granges, les légumes, les outils, les gueules, les silhouettes, les voix, le ciel, les ruisseaux, les grottes… J'étais chez moi.
Ce monde qui, je le savais, allait finir, un inconnu, discret et goguenard, qui n'élevait jamais le ton, en avait donc tenté le sauvetage insensé, gardé toute la vibration, rendu tous les états, dit toute la solitude et l'allégresse. Dans des pages écrites comme rien d'autre, où l'on entendait même le silence. Dès la première, je sus que j'allais le lire toute ma vie. Je ne m'étais pas trompé. Les auteurs qui font toute notre vie, on ne pourra jamais leur dire notre gratitude.
(Comment ne pas songer à feu Claude Riehl, avec qui je partageais la jubilation de ces lectures de Trassard. Combien de fois m'a-t-il appelé tout à trac ("Écoute ça !") pour me lire de longs passages de Dormance ou de La Déménagerie ! Ses traductions d'Arno Schmidt en ont été considérablement dopées — pas seulement en énergie et émulation, mais aussi en trouvailles de formules. Et comme je crois savoir que Jean-Loup Trassard est un des plus anciens et des plus fins lecteurs d'Arno Schmidt…)
L'enfance dont j'étais déjà en train de sortir était là, écrite, noir sur blanc. La ferme, les bêtes, les orées, les champs tordus, les greniers et les granges, les légumes, les outils, les gueules, les silhouettes, les voix, le ciel, les ruisseaux, les grottes… J'étais chez moi.
Ce monde qui, je le savais, allait finir, un inconnu, discret et goguenard, qui n'élevait jamais le ton, en avait donc tenté le sauvetage insensé, gardé toute la vibration, rendu tous les états, dit toute la solitude et l'allégresse. Dans des pages écrites comme rien d'autre, où l'on entendait même le silence. Dès la première, je sus que j'allais le lire toute ma vie. Je ne m'étais pas trompé. Les auteurs qui font toute notre vie, on ne pourra jamais leur dire notre gratitude.
(Comment ne pas songer à feu Claude Riehl, avec qui je partageais la jubilation de ces lectures de Trassard. Combien de fois m'a-t-il appelé tout à trac ("Écoute ça !") pour me lire de longs passages de Dormance ou de La Déménagerie ! Ses traductions d'Arno Schmidt en ont été considérablement dopées — pas seulement en énergie et émulation, mais aussi en trouvailles de formules. Et comme je crois savoir que Jean-Loup Trassard est un des plus anciens et des plus fins lecteurs d'Arno Schmidt…)
L. W.-O.
Liens :
Le site consacré à Jean-Loup Trassard
Jean-Loup Trassard, écrivain et photographe,
est principalement publié
aux éditions Gallimard et chez Le temps qu'il fait
Les derniers paysans, photographie de Jean-Loup Trassard ©, 1996 |
2 commentaires:
Des petites gorgées d'essentiel !
Très belles images en début de première partie, les bocages, le paysage de la Mayenne (par contre on se passerait volontiers du commentaire du réalisateur qui pontifie).
La seconde séquence est très attachante. Avec sa voix un peu voilée, jamais prétentieuse, Trassard nous fait vraiment "entendre ce que la terre lui a fait écrire" . On l'écoute sans lassitude, on est entraîné par ses mots, exactement comme dans ses livres. Voici le sable de la terrasse où il apprenait à marcher, les grottes préhistoriques qu'il a visitées jusque dans les Pyrénées, les chemins creux et les "miroirs des ornières" où l'on enregistre "des événements infimes". Trassard, c'est l'écrivain qui défend les haies, il ne veut pas qu'on les "mette à mort".
Début des années 70, c'était très attachant et assez insolite la parution des textes de Jean-Loup Trassard dans les "Cahiers du Chemin", j'aimais beaucoup les textes de Gilles Quinsat et puis ce formidable chapitre de Foucault, "La vie des hommes infâmes". Monsieur Lambrichs m'impressionnait beaucoup, j'ai cru qu'il allait pouvoir transformer la Nrf, quelques années plus tard.
Une fois de plus, merci pour vos redécouvertes, A.P
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