Voir la nuit, par L. Watt-Owen ©, 2011 / click to enlarge |
" Les grandes architectures de la nuit tombante : arcs de triomphe que formaient les branches au bout des avenues, labyrinthes des sentiers rafraîchis, stades des champs aux gradins de haies jusqu’à l’horizon, portiques et dolmens de nuages encadraient notre être enfant allant vers son destin.
L’ouragan ouvrait des perspectives sans nombre et ceux-là qui l’affrontaient tête baissée, je les regardais à travers les vitres. Je pensais qu’ils travaillaient aussi pour mon bonheur. Sous l’ouragan, il ne m’a pas été donné de voir d’arbre s’envoler, ni un toit entier de chaume comme il est arrivé quelquefois.
Le tonnerre et l’éclair, j’en avais peur. À chaque éclair, je faisais comme mes grand-mères un signe de croix. On était alors autour de la table attendant la fin de l’orage. Dès qu’on avait vu le ciel se noircir, les draps immenses avaient été enlevés qui séchaient dans les jardins surchauffés.
L’on connaissait aussi les soleils forcenés, les facteurs seuls sur les routes.
Des hommes fauchaient les épis et les fleurs du même coup.
La figure de quelque voisin haï apparaissait derrière leur haie. Lui aussi, il avait chaud, peut-être plus qu’eux, ils le remarquaient, ils s’en réjouissaient sans creuser plus loin dans leur âme.
Cependant un son de cloche dans l’après-midi brûlant rappelait que l’on était en chrétienté. La torpeur estivale immobilisait la petite herbe jaunissante des carrefours isolés sur laquelle ne tombait nul regard lourd et qui résistait à l’arrachement et que personne d’ailleurs ne pensait à vouloir arracher. Dans une cour battait un instant un balancier de pompe. Oh, cette même gloire du soleil au pied des calvaires, cette même couleur chrétienne, cette même force d’exigence, ce morceau d’histoire du monde auquel nous avons participé, enfants vêtus de sarraus noirs ! "
L’ouragan ouvrait des perspectives sans nombre et ceux-là qui l’affrontaient tête baissée, je les regardais à travers les vitres. Je pensais qu’ils travaillaient aussi pour mon bonheur. Sous l’ouragan, il ne m’a pas été donné de voir d’arbre s’envoler, ni un toit entier de chaume comme il est arrivé quelquefois.
Le tonnerre et l’éclair, j’en avais peur. À chaque éclair, je faisais comme mes grand-mères un signe de croix. On était alors autour de la table attendant la fin de l’orage. Dès qu’on avait vu le ciel se noircir, les draps immenses avaient été enlevés qui séchaient dans les jardins surchauffés.
L’on connaissait aussi les soleils forcenés, les facteurs seuls sur les routes.
Des hommes fauchaient les épis et les fleurs du même coup.
La figure de quelque voisin haï apparaissait derrière leur haie. Lui aussi, il avait chaud, peut-être plus qu’eux, ils le remarquaient, ils s’en réjouissaient sans creuser plus loin dans leur âme.
Cependant un son de cloche dans l’après-midi brûlant rappelait que l’on était en chrétienté. La torpeur estivale immobilisait la petite herbe jaunissante des carrefours isolés sur laquelle ne tombait nul regard lourd et qui résistait à l’arrachement et que personne d’ailleurs ne pensait à vouloir arracher. Dans une cour battait un instant un balancier de pompe. Oh, cette même gloire du soleil au pied des calvaires, cette même couleur chrétienne, cette même force d’exigence, ce morceau d’histoire du monde auquel nous avons participé, enfants vêtus de sarraus noirs ! "
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