vendredi 18 février 2011

La mère fabuleuse


Alvin Langdon Coburn
Je ne me souvenais plus du visage de ma mère, morte il y a 17 ans. La maladie l'avait tant défigurée que j'avais préféré l'oublier. Elle aussi avait préféré l'oublier : elle passa ses dernières semaines à découper sa tête au cutter dans toutes les photos de son album de famille. Comme je ne possède plus aucune photo d'elle (je les lui avais toutes rendues pour qu'elle les décapite), je n'en retrouve les traits que sur ma sale gueule quand j'ai le courage de me raser : je lui ressemble, d'après la légende que je me raconte (ce qui est flatteur pour moi, mais guère flatteur pour elle). 
En tombant par hasard cette nuit sur ces deux photographies d'Alvin Langdon Coburn, voilà que, d'un coup, je la retrouve, sinon telle qu'en elle-même (ce n'est que son sosie !), du moins telle que je la voyais enfant : la plus belle femme du monde, et la plus intelligente. La mère fabuleuse de celui que je trouve le plus vilain et le plus bête du monde.  
L. W.-O.


I don't wanna grow up / Tom Waits
piqué sur le site de Thomas Vinau, qui me réjouit chaque jour.