lundi 11 février 2013

"Se sentir seul quand l'autre dit je suis là…"

In memoriam CLAUDE RIEHL
(22 décembre 1953 — 11 février 2006)

Claude Riehl à la vitre d'Arno Schmidt par L. Watt-Owen © 1992

"(…) faire le tour du propriétaire en comptant
les traverses de chemin de fer au carbonylium, 
et les PENoramas à nouveau, les mûres au fond,
         se sentir seul quand l'autre dit je suis là,
et ramasser des bouts, les recoller, dire voilà qui je suis
(j'essuie & construis),
         casser du bois et fendre le dos des livres (…)"


Claude Riehl, extrait d'une note d'Eschede, 28 août 1992





"Au cours de la nuit, je sortis furtivement. J'avançai dans un clair-obscur. La lune, notre astre bienveillant, était très haut dans le ciel et regardait dans la chambre. Mais quel spectacle s'offrit à ma vue — ou plutôt, à mon odorat! Mon maître — comment dire? — mon maître, pareil à un poussin au sortir de l'oeuf, gisait sur le sofa. Les tuyaux de ses jambes étaient fripés. Les pieds, vides selon toute apparence et détachés du reste du corps, étaient posés sur le plancher. Les épaules, la taille et une partie de la tête étaient éparpillées sur le sofa, saucissonnées, brisées, vidées de leur substance. Le visage manquait. Et dans le lit? Eh bien, le masque grimaçant de mon maître, éclairé par la lune, reposait dans le lit et regardait, au fond de sa petite maison blanche. Effrayant." (…)


Le chien de Panizza par L. Watt-Owen © 2009
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" On n'imagine pas jusqu'où peuvent aller ces comédiens !
 Dernièrement, j'accompagnais mon maître dans une maison dont j'avais quelques souvenirs car un certain gaillard m'y avait donné des biscuits. Dès l'entrée nous tombâmes sur deux individus aux visages balafrés de morve et de larmes séchées. Ils nous assaillirent de reniflements et de roulements d'yeux comme ce n'est pas permis. Je me dis aussitôt qu'il se préparait là quelque fringante comédie. Dans la pièce suivante, le gaillard (l'homme aux biscuits) était couché de tout son long et raide comme du bois dans un caisson noir et laqué où il jouait à feindre, retenant son souffle et ne remuant pas le moins du monde. Comment peut-on se prêter à un jeu pareil ! 
Je vous devine, vous autres petits chiens ! Vous vous imaginez sans doute qu'après quelque temps le gredin se releva précipitamment, qu'il tendit la main à ses congénères (dont on voyait clairement les jambes) et qu'il prononça, les dents nues, ces paroles : " C'était pour rire ! Cela vous a plu, n'est-ce pas ! ". Eh bien non. On rabattit et on vissa le couvercle. L'éhonté bouffon se laissa transporter jusqu'en bas des marches et enfourner dans une de ces fameuses maisonnettes monstrueusement entichées de deux rosses efflanquées qui le promenèrent bien pendant une heure aux portes de la ville ! Et pour eux c'est le fin du fin ! "

Oskar Panizza, Journal d'un chien
traduit par Claude Riehl et Dominique Dubuy
paru chez Plasma, L'Instant et Ludd

Avis ! On retrouvera souvent Claude Riehl ici, au fil des prochains jours.

HELP !
L'édition que je possède de ce Journal d'un chien ne comporte pas la postface de Claude Riehl. Quelqu'un, si il l'a, veinard !, sous la main,  serait-il assez chic, en vue de la rééditer, de me la photocopier ou scanner ? On donnera une exclusive récompense "riehlienne" ! 


AVIS !
Les "auteurs" qui, s'arrogeant une compétence, ont rédigé, en s'emmêlant les doigts, la page Wikipedia consacrée à Oskar Panizza méritent de se faire mordre où je pense ! Mais ces anonymes sont insaisissables. Ne rien dire, ni même mentionner dans la bibliographie "française", des traductions et éditions de Panizza parues chez Plasma, chez Ludd ou à L'Instant relève soit d'une méchante falsification volontaire soit d'une benoîte et féroce inculture. Dans les deux cas, ces flagrants délits permettent d'évaluer la fameuse compétence dont ces pédagogues cybernétiques volontaires se croient investis. 
Mais, me dira-t-on, pourquoi est-ce que vous ne la corrigez pas vous-même, cette page Wikipedia ?!? 
Tout bonnement parce que, primo, je ne m'estime guère compétent et, deuzio, parce qu'il faut être complètement taré pour avoir la vocation abjecte de l'activisme pédagogique, le goût abject de la grégarité et de l'œuvre collective, le dynamisme abject du missionnaire éclairé, et, last but not least, la lubie abjecte du béat bénévolat. 
Bémol à ce coup de gueule : comme la traduction du Concile d'amour (Agone & Cent Pages) par l'impeccable et épatant Pierre Gallissaires est mentionnée, on n'arrachera qu'une fesse au premier rédacteur panizzo-wikipedien qu'on débusquera. Pierre Gallissaires : voilà quelqu'un pour qui l'impitoyable Claude Riehl avait forte considération.
L. W.-O.





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