La Lune par Johannes Helevius, 1645 click on the picture to enlarge |
(Plus tard, en m'en allant) : "Restez encore un peu", m'invita-t-elle : "de toute façon il faut que j'attende Lore, je n'irai pas me coucher avant". Mais je sortis; elle aussi a envie d'être seule de temps en temps; pour faire sa toilette ou ceci ou cela.
Il est minuit lune d'or : solitude de la place, léger souffle de vent transi. Chiottes noires. De retour dans l'espace bleu, je m'envoyais des giclées d'eau froide à pierre fendre jusqu'à ce que ça ballonne à la ceinture. À l'intérieur j'écrivis sur du papier de lune rêche :
Poète : si le peuple t'applaudit, interroge-toi : qu'ai-je fait de mal ?! S'il t'applaudit aussi pour ton second livre, jette ta plume aux orties : jamais tu ne seras un grand. Car le peuple ne connait de l'art que l'art floral et culinaire (pas de malentendu : ces artistes-là sont peut-être des hommes de bien mais des mauvais musiciens !) — L'art pour le peuple ?! : le peuple jappe et se pâme de plaisir quand il entend le Chant de la Volga de Tsarévitch, et reste de glace, s'ennuie à mourir devant l'Orphée du Chevalier Gluck. L'art pour le peuple ?! : laissons ce slogan aux nazis et communistes; c'est svp au peuple (à chacun !) d'aller à l'art et non le contraire ! — D'autres amabilités de ce genre me fox-trottaient joyeusement dans la cervelle, mais je m'mis le manteau, pour dormir.
(…)
Vint, vit, stoppa : la lune devait nous en vouloir, elle jetait un éclat cru et barbare sur la paroi de verre qui nous séparait : nous étions face à face comme deux orages : Lore et moi. Alors que le mien devait être livide, son visage sombre propageait une coiffure venteuse et laiteuse. À dire, il n'y avait rien; par conséquent elle eut juste un rire bref, puis rentra dans la maison. Tourna lentement la clé. Avec une lenteur calculée. (Et déjà, la porte en face s'ouvrait; Grete lui fit de la lumière. "
Arno Schmidt, Brand's Haide, 1951
traduit par Claude Riehl
Christian Bourgois éditeur ©, 1991
C'est dans La Main de singe, en 1991, que Claude Riehl publia les premières pages de cette traduction. Avis aux (très rares) aficionados : je donnerai bientôt quelques "scans" du tapuscrit original, ainsi que du texte paru dans la revue. L. W.-O.
MOONDOG !!!!!
Qui nous dira si Schmidt, farfouillant avec l'aiguille du tuner sur sa radio "boite-à-sucre" tomba un beau jour, ou une belle nuit, sur la musique de Moondog, autre phénomène irréductible ?! Va savoir ce qu'il écoutait vraiment, ce drôle de coco !
Ce serait trop beau : qu'il écoutât les mélopées du grand viking de New-York, en pianotant l'alphabet, improvisant en rythme, et sifflotant, tapant de la semelle sur son linoléum !!!
MOONDOG !!!!!
Qui nous dira si Schmidt, farfouillant avec l'aiguille du tuner sur sa radio "boite-à-sucre" tomba un beau jour, ou une belle nuit, sur la musique de Moondog, autre phénomène irréductible ?! Va savoir ce qu'il écoutait vraiment, ce drôle de coco !
Ce serait trop beau : qu'il écoutât les mélopées du grand viking de New-York, en pianotant l'alphabet, improvisant en rythme, et sifflotant, tapant de la semelle sur son linoléum !!!
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