Joël Roussiez par Louis Watt-Owen © Bretagne, 2011 click to enlarge
Cette nuit, sur France-Culture, dans son émission Du jour au lendemain, Alain Veinstein reçoit Joël Roussiez pour l'étonnant recueil de récits Temps Divers ou Le Jardin varié des jours, publié par les éditions Héros-Limite. (On pourra la réécouter et la podcaster sur le site de l'émission.)
Je reparlerai très vite de ce livre et de cet auteur tout à fait singulier, compagnon de route de La Main de singe depuis longue lurette.
En attendant, je donne ci-dessous (sans autorisation ! et donc au risque de prendre un méchant coup de fourche) trois petits textes inédits récents de Joël Roussiez.
L. W.-O.
Au loin, le coucou et la huppe appellent
Pour moi, ce sont les roses qui me réjouissent ce matin et dans le soleil levant les brumes au ras des prairies qui s’évaporent lentement. Dans tout mon corps palpite alors un plaisir déjà né pour la promenade et comme prématuré. Je piaffe en m’habillant et songe pourtant à retenir mon élan ; je passe en revue les impressions et les obligations ; libre je suis, il me faut y aller. Je chausse les croquenots et je me jette à l’eau. Mes chaussures sont déjà toutes mouillées et la rosée devant moi gicle comme une pluie claire. Je marche d’un bon pas et guette les chevreuils agiles, j’écoute les merles et l’envol du pigeon. Au loin, le coucou et la huppe appellent ou chantent tandis que mes yeux pleurent d’une maladie vaine qu’on nomme allergie.
Se jeter au fond
Un macareux aux yeux tristes s’en allait à la pêche au hareng. Il volait au-dessus des falaises de Moher et ne connaissait rien à l’art celtique. Cependant un jeune homme qui l’observait pensait qu’il décrivait des cercles et des croix. Et il en devint mystique, ce qui le conduisit au monastère de Siramac’h Hail où il vécut sa révélation en s’ôtant toute tentation par le port d’une robe rêche et de sandales fines. Dire que les voies du Seigneur sont imprévisibles, c’est supposer que telle était la voie de cet homme mais l’avenir n’a encore rien dit et présentement devant le puits du couvent, il hésite à se jeter au fond.
Mon nom est un mystère
Je goûte le thé amer avec délectation et mon chariot oscille sous les secousses du monde. Ma barque nage dans le fleuve Ouri où je ne suis nanti de rien d’autre que de mes seules mains. Une histoire s’avance dans l’ondulation des vagues somnolentes ; je flotte à la dérive sous le ciel qui s’esquive, mon nom n’est pas mon nom et pourtant me voici ; j’arrive, j’accoste et dans le sable qui crisse, je tisse mon destin.
Textes inédits,
Joël Roussiez © 2014
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