"L'objectif de l'art n'est pas le déclenchement d'une sécrétion momentanée d'adrénaline, mais la construction progressive, sur la durée d'une vie entière, d'un état d'émerveillement et de sérénité."
Glenn Gould en 1962, in"Glenn Gould – Ein Leben in Bildern", Nicolai Verlag 2002, Berlin)
« Quand il jouait, affaissé devant le Steinway, il avait l’air d’un infirme, le monde entier le connaît sous cet aspect, or le monde musical tout entier a succombé à une illusion totale, pensai-je. Où que Glenn apparaisse, c’est l’image de l’infirme et du gringalet qui nous est montrée, la fragilité de l’esprit pur auquel on n’accorde que son infirmité et ce qui va de pair avec cette infirmité, à savoir l’hypersensibilité, alors qu’en fait c’était le type même de l’athlète, et cela nous l’avions remarqué aussitôt, le jour où il s’était employé à abattre sous ses fenêtres, de ses propres mains, un frêne qui, selon sa propre expression, le gênait pour jouer au piano. Tout seul, il scia le frêne d’au moins cinquante centimètres de diamètre, nous tint tout bonnement à l’écart du frêne, débita d’ailleurs le frêne séance tenante et empila les bûches contre le mur de la maison, l’Américain typique, avais-je pensé alors, pensai-je. A peine Glenn eut-il coupé le frêne déclaré gênant qu’il lui vint à l’esprit qu’il aurait pu tout simplement fermer les rideaux de sa chambre et baisser les volets roulants [...] Les adorateurs adorent un fantôme, pensai-je, ils adorent un Glenn Gould qui n’a jamais existé. [...] Plus que quiconque il était capable d’une sorte de rire irrépressible, et donc il n’y avait pas d’homme à prendre davantage au sérieux. Celui qui ne sait pas rire ne doit pas être pris au sérieux, pensai-je, et celui qui ne sait pas rire comme Glenn ne doit pas être pris au sérieux comme Glenn... »
Thomas Bernhard, Le Naufragé
"PUIS-JE EN PLACER UNE MAINTENANT ?"
Je trimballe toujours dans ma poche ce petit livre rose publié par les éditions Allia, Glenn Gould par Glenn Gould sur Glenn Gould.
" glenn gould. – M. Gould, d’après ce que j’ai entendu dire – et pardonnez-moi, mon- sieur, d’être aussi direct – vous êtes plutôt coriace en interview.
glenn gould. – Ah bon? Je ne savais pas.
g.g. – Oui, c’est le genre de ragots que nous autres journalistes glanons à droite et à gauche ; mais je tiens à vous assurer que je suis tout à fait prêt à supprimer de notre entretien toute question qui vous semblerait déplacée.
g.g. – Bien. Alors pour commencer, et afin d’éviter tout malentendu, laissez-moi vous poser la question franchement : y a-t-il des sujets à ne pas aborder ?
g.g. – Je ne vois vraiment pas, non. À part la musique, évidemment. (…)"
Sur l'excellent site des éditions Allia,
on peut en lire et télécharger
de bonnes feuilles en pdf.
3 commentaires:
Emerveillement et sérénité par la musique, dit l'animal paradoxal qui était une pharmacie sur pattes. Sacré Glenn ! Le génie ne devrait jamais oublier de remercier le pharmacien.
Ravi de vous lire à nouveau, Sir Louis.
… et réciproquement cher Marquis !
Que devenez-vous ?
On dit que vous hébergez Gérard Depardieu dans votre écurie de la forêt belge ?
L. W.-O.
Sir Louis, je deviens ce pourquoi je suis né: rien.
Malgré tout, je procède à la millionième relecture de mes brouettes radio-actives et à la destruction méthodique de la plupart d'entre elles. Je conserve les plus ratées afin de pouvoir laisser un Opuscule navrant à la hauteur de ma déroute de flâneur en forêt.
Mais il est l'heure de ma sieste. Assez bavardé.
Au lit !
Read you soon, Sir.
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