jeudi 14 février 2013

Claude Riehl, Louis Scutenaire et Arno Schmidt


Arno Schmidt, homme des bois





"Il était un jeune homme d'une étrange beauté qui vivait
dans les bois
Sa cabane était verte
Et souvent il disait :
"Je suis un jeune homme d'une étrange beauté qui vit 
dans les bois
Ma cabane est verte "
Avec de profonds regards."

Louis Scutenaire, Inscriptions 1945/1963


Louis Scutenaire, rue de la Luzerne
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LE "POT BELGE" DE CLAUDE RIEHL
Nouvelle version rallongée de 
ce billet mis en ligne trop vite

Pour traduire l'impitoyable Arno Schmidt, Claude Riehl se dopait en s'enfilant, entre les rounds, des rasades de ce pot-belge : les Inscriptions de Louis Scutenaire, toujours à portée de main. 
Scutenaire, lui, lut-il Schmidt ? Va savoir ! 
(Si il lisait Les Lettres Nouvelles, alors il fut au jus). 
Et Schmidt eut-il vent de Scutenaire ? 
Ces deux contemporains se sont-ils ignorés ?
(En tout cas ils portèrent les mêmes lunettes affreuses des seventies !!)

Pour avoir farfouillé plusieurs jours dans la bibliothèque d'Arno Schmidt, à Bargfeld, en 1992, avec Claude Riehl, qui comme moi y venait pour la première fois (on racontera ça !), je me souviens y avoir vu du Queneau (ça on le savait) mais pas du Scutenaire, dont je suppose qu'il n'a jamais été traduit en boche. 
Il faudrait réécouter le Arno Schmidt, Une vie une œuvre, d'Isabelle Rabineau, émission jadis diffusée sur France-Culture : si j'ai bonne mémoire, on peut nous y entendre faire l'inventaire de la bibliothèque de Schmidt, à haute voix, à genoux devant ses murs de livres. Si jamais on était tombés sur un volume de Scutenaire, je crois que je m'en souviendrais, d'autant plus qu'alors Claude Riehl aurait fait un bond si grand qu'il aurait crevé le plafond de cette maison pour nains, et ça devrait s'entendre dans l'émission. 

Schmidt fût un drôle de coco volant à qui lui chantait ce qui lui passait par la tête. Outre Rhin, comme dans le monde entier, des centaines de déchiffreurs et de pisteurs se chargent d'identifier tous ses emprunts. Cela fait quarante ans que ça dure et ça durera encore quelques siècles.
Pour se distinguer, le lecteur français des transpositions françaises se délectera à pister les emprunts et astuces du traducteur, au moins aussi cultivé et futé que le phénomène de Bargfeld. 
Claude Riehl ne fut pas un moins drôle de coco, ni moins retors embobineur  que le retors embobineur de barbelés du Schauerfeld (légendaire "Pré des Démons" qui jouxtait sa tanière et fut le ring mental de ces matches). 
Je tiens Claude Riehl pour un des plus forts écrivains de ce temps. (Sinon LE).
Schmidt ne pouvait pas tomber sur pire que Riehl. C'est-à-dire sur meilleur.
En France, il avait déjà contraint le grand Jean-Claude Hémery à jeter les gants, qui trouva moins exténuant de se cogner Thomas Bernhard et Nietzsche à la fois (mais y resta quand même).
J'ai pu assister en direct aux combats Riehl / Schmidt.
J'ai fait quelquefois le soigneur, dans le coin du ring.
L'éponge fut souvent rouge.
Mais Riehl ne se laissa jamais démonter.
Ce n'est pas ça qui le knock-outa.
Mais des saloperies et des coups de Trafalgar dans les coulisses des matches.
Venant parfois d'anciens entraineurs.
(On racontera cela un de ces jours, peut-être.)

Ces deux farouches se tinrent tête tant d'année ! Se faisant des crocs-en-jambe et s'envoyant des coups vraiment vaches. 
Ainsi peut-on s'amuser beaucoup à repérer dans les traductions de Claude Riehl, outre l'influence dopante, les traces de Scutenaire qu'il y a laissées, tout à fait volontairement, comme des clins d'œil à retardement, bien cachés, pour les malins fouineurs. Le lecteur français de Schmidt mis en français par Claude Riehl doit donc s'avérer doublement finaud : à la hauteur de Schmidt et à la hauteur de Riehl. La bibliothèque de Schmidt s'y double de la bibliothèque de Riehl.
Il y a deux écrivains dans les livres de Schmidt importés de ce côté-ci de la ligne Siegfried. Pour le prix d'un. Que demande le peuple ?

L. W.-O. 

HELP ! : Si, par hasard, quelqu'un possédait enregistrement de ce Arno Schmidt, Une vie une œuvre, ce serait chic de m'en faire une copie. On en a un besoin urgent. Je n'en ai plus la cassette, et ne sais guère à qui sinon où la réclamer (ma chère Isabelle Rabineau, toi tu dois bien l'avoir, non ?). Il y aura récompense.

Bande-son :
Cette chronique a été rédigée en écoutant à fond du rap japonais électrisant — chacun ses péchés mignons en matière de dopage. 

Potemkine



Pas dormir !

1 commentaire:

blezel a dit…

"Un riche site, auquel nous travaillons, lui sera très prochainement consacré, qui donnera nombre de textes, documents et images. On le retrouvera également dans les numéros "papier" de la nouvelle série de La Main de singe, bientôt feuilletable en ligne. Des publications de traductions inédites sont prévues. "
Blog lamaindesinge, février 2011

C'est toujours prévu ? (On ose l'espérer.)