En concert à Lyon, 1985 / click to enlarge |
Après moultes effets d'annonce destinés sans doute à décevoir tous ceux qui attendent encore quelque chose de moi, me revoici enfin occupé à relancer mon canard, dont la dernière série remonte déjà à 2004/2005.
Monter un canard : c'est un peu, pour moi, comme monter un "groupe".
Il faut recruter. C'est fait.
J'ai monté autrefois, entre 77 et 87, moultes formations éphémères pour le pur fun de grimper sur scène et faire beaucoup de bruit pour rien. Ces groupes ne tenaient pas longtemps : on finissait rapidement par s'engueuler sinon se taper dessus. Autant pour des histoires de tempo non respecté que de cachets mal partagés. On se séparait après échanges de crachats, noms d'oiseaux et baffes. Alors j'en remontais illico un autre, sous un autre nom en yaourt, avec souvent des musicos piqués à la concurrence, on trouvait des dates et sans trop s'embarrasser de répétitions ni même de s'accorder, on allait dans des bleds improbables ou sur des scènes plus branchées tenir tête, amplis et sono à fond, à des hordes de pogoteurs armés de canettes et de bouteilles de Jack Daniels. Pendant une heure on balançait nos propres "compos" improvisées à la diable sur des gimmicks et des riffs détournés. Sur ma Strat Sunburst de 1963, je plaquais frénétiquement et sans crampes des trucs cinglants qui empruntaient à la fois à Johnny Winter, Captain Beefheart, Albert Collins, Peter Gunn (des Inmates), Wilko Johnson (de Doctor Feelgood), Johnny Thunders (des New-York Dolls), G.G. Grémy (de Little Bob Story), Vincent Palmer (de Bijou), Chris Wilson (des Flamin Groovies), Kub Koda, Link Wray etc… et j'ornementais le tout de "cocottes" funky piquées à James Brown, Prince et Defunkt. Je ne me prenais nullement pour un guitariste et encore moins pour un musicien, j'avais appris d'oreille, tout seul, sur le tas, et de fait je supportais mal de partager le set avec un autre gratteur de six cordes : il aurait été soit nettement meilleur que moi soit nettement plus mauvais. Un brailleur se chargeait de vomir dans le micro du pidgin avec l'accent du Jura. Le bassiste était soit un branleur rasta à la ramasse soit un sobre balucheur solide et sans âme. Quant au batteur, je préférais ceux qui sonnaient vintage, c'est-à-dire pré-punk et farcissaient leur tchak poum poum de roulements interminables en "papa-maman" appris à la fanfare municipale : cela sonnait un peu Buddy Miles ou Mitch Mitchell, et permettait d'attendre tout le monde pour retomber en mesure. On ne pouvait se contenter de nos propres "morceaux" : les pogoteurs commençaient dès le troisième à essayer de nous attraper les jambes ou nous visaient au crâne. Ce qu'ils attendaient c'était leur dose de reprises, c'était le grand baluche des hymnes du moment : alors pendant une autre heure, humblement, on donnait nos versions approximatives et speedées de hits réclamés à la demande par les décervelés, les inévitables trucs des Barracudas ou des Lords, de Gun Club, des Pistols, de Clash, des Damned, des Ramones, de Johnny Thunders, etc…
Je ne possède plus aucune trace sonore ni video de ces séances ahurissantes et gonflées.
Depuis vingt cinq ans, je me contente de jouer seul, et d'enregistrer tous les instruments à ma façon, cela évite bien des assassinats. Et je ne risque pas de me produire sur scène, ayant désormais en abomination toute forme de performance publique. Mais je donnerai bientôt en ligne ces improvisations hasardeuses, inrejouables.
Et pour ce qui est de la formation recrutée pour le nouveau canard, elle ne regroupera au sommaire que des improvisateurs solistes bien incapables comme moi de rejouer, interprèter ni imiter la musique des autres et de donner dans le baluche littéraire généralisé. Joyeusement insoucieux de plaire aux embouchés et bien persuadés d'avance comme Arno Schmidt, auteur fétiche de La Main de singe, que "le non-intérêt du public dépassera les prévisions les plus hardies."
L. W.-O.
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