Shi Tao |
Shitao - 1ère partie par ArtisReflex
Shitao - 2ème partie par ArtisReflex
LA TRANSFORMATION
" L’Antiquité est l’instrument de la connaissance ; transformer consiste à connaître cet instrument sans toutefois s’en faire le serviteur. Mais je ne vois personne qui soit capable d’utiliser ainsi l’Antiquité en vue de transformer, et je déplore toujours cette attitude conservatrice qui reste enlisée dans les oeuvres antiques sans pouvoir les transformer ; pareille connaissance asservit ; la connaissance qui s’attache étroitement à imiter ne peut qu’être sans envergure ; aussi, l’homme de bien, lui n’emprunte-t-il à l’Antiquité que pour fonder le présent.
Il a été dit que l’homme parfait est sans règle, ce qui ne veut pas dire qu’il n’a pas de règle, mais que sa règle est celle de l’absence de règles, ce qui constitue la règle suprême.
Tout ce qui possède des règles constantes doit nécessairement avoir aussi des modalités variables. S’il y a règle, il faut qu’il y ait changement. Partant de la connaissance des constantes, on peut s’appliquer à modifier les variables ; du moment que l’on sait la règle, il faut s’appliquer à transformer.
La peinture exprime la grande règle des métamorphoses du monde, la beauté essentielle des monts et des fleuves dans leur forme et leur élan, l’activité perpétuelle du Créateur, l’influx du souffle Yin et Yang ; par le truchement du pinceau et de l’encre, elle saisit toutes les créatures de l’Univers, et chante en moi son allégresse.
Mais nos bonshommes d’aujourd’hui n’entendent rien à tout cela ; à propos et hors de propos ils vous déclarent : « la technique des "rides"» et des "points" de tel maître constitue une base indispensable ; si vous n’imitez pas les paysages d’un tel, vous ne pourrez laisser une oeuvre durable ; vous pouvez vous imposer avec le style pur et dépouillé de tel autre ; si vous n’imitez pas les procédés techniques d’un tel, vous ne serez jamais qu’un amuseur».
Mais à ce train là, au lieu de se servir de ces peintres, on devient leur esclave. Vouloir à tout prix ressembler à tel maître revient à manger ses restants de soupe : très peu pour moi !
Ou bien d’autres encore me disent : « Je me suis ouvert l’esprit au contact de tel maître, j’ai acquis ma discipline à partir de tel autre ; maintenant, quelle école vais-je suivre, dans quelle catégorie vais-je me ranger, à qui vais-je emprunter mes critères, qui vais-je imiter, à qui vaut-il mieux que j’emprunte sa technique des "points" et du lavis, ses "grandes lignes", ses "rides" et ses formes, de manière que mon oeuvre puisse se confondre avec celle des Anciens ? ». Mais ainsi, vous en arrivez à ne plus connaître que les Anciens, en oubliant votre propre existence !
Quant à moi, j’existe par moi-même et pour moi-même. Les barbes et les sourcils des Anciens ne peuvent pas pousser sur ma figure, ni leurs entrailles s’installer dans mon ventre ; j’ai mes propres entrailles et ma barbe à moi. Et s’il arrive que mon oeuvre se rencontre avec celle d’un tel autre maître, c’est lui qui me suit et non moi qui l’ai cherché.
La Nature m’a tout donné ; alors, quand j’étudie les Anciens, pourquoi ne pourrais-je pas les transformer ? "
SHI TAO
Les propos sur la peinture
du moine Citrouille-amère
(Traduction de Pierre Ryckmans)
1 commentaire:
Quel bonheur! Et bonne qualité vidéo! Et ô combien pédagogique! Yes!
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