INTERLUDES POUR INSOMNIAQUES |
Toshiko Akiyoshi !!!!!!!!! |
vendredi 30 octobre 2015
jeudi 29 octobre 2015
"Comme Jimi Hendrix, je rajoute des fausses notes exprès…"
"On m'a fait cette réputation de roi de la répétition. Mais c'est une absurdité. Un contresens total. Et accessoirement la preuve que l'on m'a très mal lu. Tout ce qu'on dit à propos de moi ou de quiconque est une absurdité. Je ne me répète jamais, comme je ne me singe jamais. Jimi Hendrix non plus ne répète jamais deux fois la même phrase musicale, ne rejoue jamais deux fois le même morceau. Il faudrait être sourd pour affirmer le contraire. Mais la plupart des lecteurs sont sourds. Et ils sont aussi aveugles. Et d'une telle stupidité que je me garde bien d'écrire pour des lecteurs, ou pour un public. Jimi Hendrix non plus ne jouait pas pour le public. Il ne jouait pas pour des sourds et alors il s'amusait à monter le son à fond pour voir jusqu'où ce public hystérique tiendrait jusqu'à l'éclatement des tympans. Et moi aussi je monte le volume. Comme lui, je rajoute des fausses notes exprès. Pour voir quand la tête du lecteur va exploser. Mais en fait je n'écris que pour moi-même comme Jimi Hendrix ne jouait que pour lui-même. Pour le pur plaisir."
Thomas Bernhard
"Tant de guitaristes me singent tellement bien qu'ils reprennent même mes fausses notes !"
Jimi Hendrix
mercredi 28 octobre 2015
lundi 26 octobre 2015
Le grand art du Rien-foutre et du Rien-à-foutre !
Cioran sur son balcon, fier de sa rambarde bricolée. |
Si je ne fais strictement rien de mes journées et de mes nuits, c'est d'abord par choix de vie et par tempérament. Ce luxe inoui implique l'endurance d'une misère certaine et autres inconvénients. Et l'on expérimente alors sans tricher si l'on a bien compris la fameuse nuance schopenhauerienne entre l'Ennui et l'Indifférence. Mieux vaut en effet quand on ne veut vraiment rien foutre atteindre le stade du rien à foutre radical — auquel n'atteignent, les veinards !, que ceux qui ont une fois pour toutes compris que tout est foutu d'avance.
Au bout de plus de vingt ans d'un tel mode d'existence, on est rompu à l'exercice sans vergogne de l'inaction et on n'imagine certes pas retourner faire quoi que ce soit à l'extérieur (et certainement pas dire "oui chef !"), ni se remettre, dans sa tanière, à quelques occupations utiles et autres hobbies.
Cioran, un gars du genre nerveux, lui, raffolait du bricolage pour calmer ses nerfs et, d'après le témoignage de sa sublime et patiente compagne Simone Boué, obtenait des résultats aussi catastrophiques qu'esthétiquement monstrueux. Elle aurait préféré un robinet qui fuit au même robinet réparé par Cioran.
Quand il pouvait disposer, près de Nantes, d'une villégiature à la cambrousse, il se jetait à corps perdu dans du jardinage dévastateur avec pelle, pioche, rateaux, tronçonneuse. Derrière lui rien ne repoussait.
Quand on lui offrit, contre son gré, un poste de télé il passa des jours, pour capter les programmes, à le suspendre au plafond de sa mansarde avec un brouillon système de cordes et de crochets vissés de traviole, qui menaçaient de céder vu le poids de l'engin. Et comme il ne supportait décidément pas de possèder un infernal téléviseur, et qu'il se cognait sans cesse la tête si il ne se baissait pas, il s'en débarrassa aussitôt avec rage et soulagement.
Mieux valait ne pas s'accouder à la rambarde de son balcon vertigineux : il l'avait rafistolée lui-même !
J'ai eu moi-même, autrefois, la lubie dévastatrice de retaper tout seul de vieilles fermes, d'y refaire le toit, la plomberie, l'électricité, le tout-à-l'égout, d'installer une salle-de-bains et des cabinets, etc… Je tentais même de réparer le vieux tracteur rouillé dans la grange.
Ces masures, après mes bricolages, s'avérèrent encore plus inhabitables qu'avant. Aussitôt je déménageais à-la-cloche-de-bois et j'allais louer une autre baraque délabrée quelques kilomètres plus loin et recommençais le même cirque. Je dûs fuir les propriétaires fulminants en me réfugiant cette fois en ville, où j'entrepris d'aménager à mon goût des appartements pourtant classés monument historique. La police s'en méla, et les sapeurs-pompiers, et la Préfecture.
Alors je n'ai plus eu d'autre solution que d'aller me cacher dans une plus vaste métropole, en évitant d'apporter mes outils. J'en ai profité pour démissionner (en déchirant ma Carte de Presse) et j'allais désormais me contenter de ne plus bouger de ma chaise sauf pour aller m'allonger sur mon divan ou carrément me coucher.
J'avais pris conscience de mes incompétences : ne sachant rien faire de mes dix doigts, dès lors je ne ferais plus rien. Je me tiens à ce programme minimaliste et périlleux depuis 1992. Et compte bien ne jamais plus y déroger.
Il serait excessif toutefois de prétendre ne rien savoir faire de mes deux mains.
Je sais rouler des cigarettes comme personne, avec du tabac trop gros et trop sec, dans du papier non-gommé.
Je pianote mes vieilles machines-à-écrire avec grande vélocité et sans regarder mes doigts.
Je fais hurler les cordes de ma guitare.
Et accessoirement je puis distribuer avec efficacité des taloches et des beignes.
Autant d'activités dites manuelles qui restent toutefois, comme mes trois siestes quotidiennes, des variantes du grand art du Ne-rien-foutre, lequel relève de celui, majeur, du Rien-à-foutre.
Sur le piano-à-lettres, j'ai dû humblement admettre que je suis bien incapable de jouer la musique des autres. Je me contente d'improviser ce qui me chante, même si ma musique est farcie de fausses notes : elles font la singularité inimitable de qui ne saurait singer les autres.
Sur ma Stratocaster ou ma Dobro, trop immodeste pour me croire capable d'originalité, j'ai la prétention inouie d'imaginer que je ne singe pas si mal que cela, et sans fausses notes, les madrés tricoteurs de riffs, bluesmen dingos et autres demeurés du pub-rock et du rythm'n blues. (Dans le genre des videos ci-dessous : de Little Bob, incurable péché de jeunesse !, aux écossais Nimmo Brothers, découverts l'autre jour ou encore Mason Rack Band, autant de ringards"old school" certes ! mais qui ne donnent pas, eux, dans la vomitive bluette des goûts contemporains !)
Cioran savait pianoter une machine-à-écrire, sur laquelle il se défoulait comme personne. Mais on ne peut certes pratiquer cet engin toute la sainte journée, surtout quand on est le roi du bref et du laconique. Ainsi allait-il se venger sur la plomberie de la mansarde ou sur la chasse des chiottes du palier.
Moi, je ne lui aurais pas offert une télé pour distraire son cafard des heures trop creuses. Mais une Stratocaster, un ampli Vox et des disques de Johnny Winter, Buddy Guy, Little Bob Story ou Doctor Feelgood.
Ah ! Imaginer Cioran se lançant à fond dans One way out, Black Betty ou Don't let me be misunderstood ! Avec, comme batteur, sa bête noire : la voisine nonagénaire du dessous, qui tape frénétiquement son plafond avec le manche à balai !
L. W.-O.
dimanche 25 octobre 2015
Le secret de la réalité
"Sans illusion, il n'y a rien. Il est étrange de trouver le secret de la réalité dans l'irréalité."
Cioran, Cahiers
samedi 24 octobre 2015
"La seule prouesse intéressante en ce monde est pour moi de ne rien faire que ce qui me plaît…"
Dans Cher Picaro, l'épatant journal des années 50 de Jacques d'Arribehaude (L'Âge d'Homme, 2003) je tombe par hasard sur le témoignage de sa rencontre impromptue avec Cioran, qui mérite d'être cité. Voilà des pages remarquables, qui plus est rares et singulières pour leur époque. Qu'elles incitent à lire Jacques d'Arribehaude, que les amateurs de Céline ont déjà eu l'occasion de croiser. Chapeau bas !
L. W.-O.
Cliquer sur les scans ci-dessous pour lire à l'aise
vendredi 23 octobre 2015
Autant rêver !
Voilà une liste (lacunaire car notée à la va-vite) de quelques ouvrages que l'on ne risque pas de voir paraître un beau jour dans ce pays à la con.
La traduction française du Zettel's Traum d'Arno Schmidt.
La Correspondance complète de Cioran.
La suite des Cahiers de Cioran (ceux retrouvés il y a quelques années par la brocanteuse).
L'édition intégrale du Casse Pipe de Céline (alors que les céliniens les plus avertis savent fort bien où se trouvent les manuscrits !).
Les Œuvres (vraiment) complètes de Jean Ray.
Une traduction sinon intégrale du moins décemment généreuse de William Hazlitt.
Au moins un fort volume des chroniques et lettres de Samuel Johnson.
Une édition intégrale, en typo mais avec, naturlich, les fac-similés et en quadrichromie !, des Lettres de Gaston Chaissac.
Une édition de poche du Théâtre de Maurice Boissard de Paul Léautaud.
TOUTES les Lettres de Charles Bukowski.
La traduction du Journal tenu en douce par Karl Ignatz Hennetmair pendant ses années de fréquentation de Thomas Bernhard.
Un volume des Poèmes de Paul Klee (alors qu'on a pu lire il y a déjà dix ans le tapuscrit d'une traduction sublime !).
Des Œuvres complètes d'Oskar Panizza.
Des Œuvres complètes et une Correspondance de Roger Rudigoz.
Une traduction française de la traduction allemande de Rabelais par l'incroyable Fischart, qui le réécrivit, l'augmenta, le réinventa.
Des Œuvres complètes de Claude Gaignebet.
Au moins fort volume d'un choix de la Correspondance de Thomas Bernhard.
à suivre…
L. W.-O.
mercredi 21 octobre 2015
Le Mandala de Cioran
Le Mandala de Cioran par L. Watt-Owen, Dieppe, 2011 click to enlarge |
À Dieppe, sur les hauteurs, Cioran terminait souvent sa promenade en allant tourner comme une bourrique, jusqu'au vertige, autour de "son" mandala, lequel ne subissait les outrages ni du vent, ni de la flotte, ni des semelles, — inaltérable, indestructible comme le puzzle des milliers de fragments disparates de son œuvre.
L.W.-O.
À bon entendeur ! (Lettre à un nuisible)
Monsieur,
Je vous remercie de l'intéret que vous prenez à mon blog La Main de singe. Il semble décidément vous plaire, comme en témoignent plusieurs de vos billets.
À plusieurs reprises, en effet, vous avez fait votre marché sur La Main de singe et copié/collé dans votre propre blog des textes et des captures d'écran, en vous les appropriant ni vu ni connu.
Or, que je sache, vous ne m'avez demandé aucune permission pour reprendre sur votre site, et en plus sans ma signature !, des billets entiers de mon cru, ou encore, comme le 20 octobre, des captures écran de ventes de lettres de Cioran dénichées et réalisées par moi.
Me croyez-vous assez con pour ne pas m'en apercevoir ?
Et encore plus con pour ne pas vous tomber un beau jour sur le râble ?
En conséquence je vous demande de bien vouloir RETIRER ILLICO de votre blog le billet intitulé Ringard ! du 5 juillet 2015, ainsi que les captures écran de Cioran du 20 octobre 2015.
Je ne vois pas pourquoi j'aurais des égards envers quelqu'un qui emploie de telles méthodes et me prend à bon compte pour une buse, à seule fin de se faire mousser.
Il va de soi que si vous ne retirez pas les billets dont je parle (et d'autres où vous auriez commis le même genre de larcins), je me verrai contraint de vous botter le cul publiquement sur mon blog, lequel, contrairement au votre, est suivi par suffisament de grosses centaines de visiteurs quotidiens pour mettre beaucoup de rieurs de mon côté, à vos dépends.
Je me contrefous que vous soyez, comme moi, aficionado de Cioran, Bukowski et cie.
Je n'ai rien à voir avec vous et vous demanderai à l'avenir de me lâcher définitivement les basques.
Ce courrier furibard vous y aidera : je ne serai plus seulement à vos yeux un gros con que l'on peut plumer, mais une belle ordure que vous aurez l'aversion de venir lire en ligne. Ce sera tant mieux pour nous deux.
J'ajoute que les anonymes rats cybernétiques dans votre genre, qui n'ont pas le courage de signer ni assumer leurs interventions sur la Toile me répugnent au plus haut point et ne méritent à mes yeux aucune indulgence.
Merci, dans votre intérêt, de ne pas prendre ce courrier à la légère.
Je n'ai pas l'habitude de plaisanter, surtout avec les fâcheux.
À bon entendeur !
L. W.-O.
Quelques minutes, hier, après avoir reçu ce mail, l'indélicat blogueur a effectivement supprimé de son site les billets incriminés. Je ne donne ce courrier privé à lire que pour avertir les immondes rats de blogs et autres nuisibles : pas touche ! et gaffe !
Je redonne ci-dessous un billet d'avril 2011 à propos d'un autre genre de nuisibles : les commentateurs anonymes.
TROU À RATS
En introduisant leur pensée sans consistance par le trou des commentaires des blogs les plus fréquentés et en y émettant quelques gouttes d'arguments poisseux, ces commentateurs innommables pensent vraiment qu'ils sont à la hauteur et la ramènent comme des caïds.
Ils ne vont se soulager que dans des blogs très lus ou animés par un irréductible qui ne mâche pas ses mots.
Dans ces défouloirs de choix, leur pollution anonyme éclabousse du monde ni vu ni connu. Voilà ce qui les fait reluire, à leurs seuls propres yeux, car les vrais lecteurs, eux, ne s'y trompent pas et détournent pudiquement le regard.
Les commentaires de blog sont l'équivalent cybernétique du vintage "courrier des lecteurs".
À ceci près que, dans les canards, on sait bien que le courrier des lecteurs est en général rédigé par un journaliste, ce qui garantit d'ailleurs qu'il soit la rubrique la plus lue.
L. W. O.
lundi 19 octobre 2015
"Une forte vie intérieure…"
GIF animé par Bill Domonkos © |
"Une forte vie intérieure se suffit à elle-même et ferait fondre vingt années de banquise."
Céline, Voyage au bout de la nuit
BONNE PISTE !
Les images, GIFS animés et autres films
de l'épatant Bill Domonkos.
Ci-dessous quelques exemples excitants
piqués sur son riche site :
dimanche 18 octobre 2015
Exercices négatifs
C'est tout le drame de l'insouciant grabataire volontaire, encouragé par le grand patron Schopenhauer, les bienheureux reclus taoïstes et un tempérament qui le porte à ces extrémités olympiques de l'inaction. Le luxe de disposer des trois tiers de ses journées a ses inconvénients. Je passe tout mon temps à me prélasser en fumant, en savourant du chocolat, etc…, je ne fais strictement rien, à part descendre tous les Pepito, les chips à l'ancienne, les pistaches et ne me lève guère que pour aller chercher un autre bout de fromage…
Le simple passage devant un miroir me traduit illico ces euphémismes en des termes plus crus : je ne suis qu'une grosse feignasse qui fait du lard.
Et voilà que Frédéric Schiffter (un "conscrit" de mézigue, pourtant adepte lui aussi sans vergogne, catégorie olympique, du prélassement dans l'inaction) nous révèle sur son blog l'impeccable qualité de ses abdominaux ! La dose de honte que cela m'a inoculé m'a subito poussé à refaire un peu d'exercice.
Des pompes (je parviendrai sans doute dans quelques semaines à décoller un peu mon nez du plancher), du jogging sur place (qui doit faire tomber du plâtre sur les claviers des pondeurs de caca-de-taureau dans l'agence de communication à l'étage du dessous), des haltères avec dans une main Le Monde comme volonté et comme représentation et dans l'autre les Cahiers de Cioran, etc… Ce n'est pas gagné !
Aussi ai-je commandé en ligne ces merveilleuses pilules miracles, qui "miment" les effets moléculaires de l'exercice physique et vous rendent en une semaine, sans faire le moindre effort, une silhouette de sportif. Ainsi pourrai-je sans rien changer à mon mode de vie (sans lequel je n'aurais pas conquis la jugeote et la vista dont je puis aujourd'hui me targuer) retrouver la ligne du playboy que j'étais (sans les inconvénients de la tête de con qui dominait alors l'excellence de son buste d'athlète).
L. W.-O.
samedi 17 octobre 2015
"Voilà à quoi je pensais, dans mon caniveau…"
click to enlarge Photos de Steve Powers © Son site : http://www.firstandfifteenth.net |
" (…) L'humanité m'a toujours écœuré. Et ce qui m'écœure le plus, tout le cirque des familles, y compris le mariage, j'ai le pouvoir et je te protège, et de fil en aiguille cette lèpre gagne du terrain : le voisin de palier, de trottoir, du quartier, de la ville, du département, de la nation, chacun se raccroche au cul de l'autre, pétant de trouille et de connerie, comme une abeille au fond de son gâteau de miel.
Voilà à quoi je pensais, dans mon caniveau, où ils m'avaient laissé brailler. (…)
J'avais juste à rentrer chez moi, à trente mètres, pas plus de trois millions d'années-lumière. Encore deux minutes et j'arriverais à me lever. Plus j'essayais, mieux je me sentais. Un vieux pochard est capable de tout, si on lui laisse le temps. Une minute, encore une minute. J'y serais certainement arrivé. (…)"
Charles Bukowski, Le grand mariage zen
Trad. J. -F. Bizot
BONUS
vendredi 16 octobre 2015
Cioran, Beckett, Michaux, Ionesco et James Brown
Encore lui !
Ça commence à bien faire avec Cioran ?
Sublime Cioran, qui plombe l'ambiance !
Mais dope son homme !
À bon entendeur : ceux que Cioran insupporte peuvent être sûrs qu'ils me tapent sur les nerfs d'avance.
Je remets donc quelques nouvelles couches d'encre noire sur leur vie en rose.
Petite précision : je ne vais pas chercher, comme tout le monde, des citations déjà mises en ligne par Machin ou Tartempion et ne pratique pas le copié/collé bien pratique (et sans garantie d'exactitude !).
Les citations frelatées de Cioran pullulent par exemple sur les réseaux sociaux, retouittées à la volée par des gens qui n'ont jamais pris la peine de le lire pour de bon.
La même calamité touche Thomas Bernhard, Clément Rosset, Nietzsche, Beckett, Michaux et autres princes : leurs livres non lus sont débités en amuse-gueule apéritifs et festifs par les feignants du bulbe.
Peanuts !
Pensées pour album disait déjà Thomas Bernhard.
Combien de parents d'élèves retouittent des formules pourtant sorties de De l'inconvénient d'être né !
Le lecteur sérieux de Cioran doit avoir au moins la vie qui va avec, n'est-ce pas !
Je tire mes savoureux extraits des ouvrages que j'ai sous les yeux depuis tant d'années, et les retape naturlich, avec mes doigts et mes rhumatismes, en tirant la langue et en clignant des yeux. C'est du garanti lu et applaudi cent fois. On ne risque donc guère de tomber ailleurs sur de tels bons morceaux. Et bien-sûr on n'a pas fini d'en déguster ici.
(On trouvera la chose en fin de billet)
(On trouvera la chose en fin de billet)
LA FINE ÉQUIPE & MISTER DYNAMITE
Lire en douce Cioran tout en écoutant James Brown à fond est la garantie de chasser efficacement les démons et tenir à distance la connerie. It's a man's man's man's world !
La légende dit même que publiquement Cioran avouait écouter Bach et les mélopées hongroises, mais dès qu'il se retrouvait seul il mettait Sex Machine sur son tourne-disque et montait le son et se trémoussait jusqu'à la transe.
Ainsi calmait-il un temps les fameuses fourmis qui lui rongeaient les guibolles et dont les médecins ricanaient quand il allait chercher remède. (L'Onfray, lui, pleure sur Mon Vieux de Daniel Guichard ou dorlote sa prostate en regardant Michel Drucker : chacun son style n'est-ce pas !)
James Brown à fond dans la mansarde c'était aussi pour Cioran histoire de se venger un peu de la vieille voisine du dessous qui faisait gueuler sa télé.
On dit même qu'une espèce de "boum" secrète a plus d'une fois réuni chez Cioran ses copains Beckett, Michaux et Ionesco, qui s'électrisaient et tressautaient sur I got the Feelin' , au risque de crever le branlant plancher de la mansarde !
La fine équipe se retrouva paraît-il un soir à un concert de Mr Dynamite, au premier rang, juste sous les baffles de la sono. Un film culte existerait de cette séance frénétique de Mashed Potatoes, Moon Walk, Boogaloo, Camel Walk et Funky Chicken.
Rien que de s'en faire soi-même le film est déjà dopant.
Get on the good foot !
Rien que de s'en faire soi-même le film est déjà dopant.
Get on the good foot !
L. W.-O.
"Comment trouver le ton juste ?"
CIORAN, EXTRAITS DES CAHIERS
Dans ton âme il y avait un chant : qui l'a tué ?
Pour être dans le vrai, on n'a en tout qu'à se tenir à une égale distance des emballés et des aigris.
Je me méfie de tout homme qui veut commander à un autre homme. C'est là un instinct profond, commun à tout le monde ; est-ce supériorité ? est-ce déficience ? je crois ne pas le posséder. L'idée même de donner un ordre m'est étrangère. En recevoir non moins. Ni maître, ni esclave. Éternellement, rien.
Je n'aime pas les livres écrits à froid. D'autre part, ceux qui vibrent de chaleur ne laissent pas d'être irritants. Comment trouver le ton juste ?
Je trouve rassurant d'avoir dépassé la cinquantaine. Le gros effort a été fourni, le plus lourd fardeau porté.
Du matin au soir, et des heures durant la nuit, un monologue saugrenu, d'une ineptie traversée d'éclairs.
Ce n'est pas du contact avec les choses, c'est du contact avec les êtres que naît le dégoût.
Toutes les fois que vous vous trouvez devant un texte trop bien écrit, sachez que vous n'avez pas affaire à un sage.
Personne ne devinera jamais de quelle faculté de cafard je dispose.
Je lis, je lis, et, sauf de rares exceptions, je ne trouve aucune réalité aux œuvres que je lis. Que leur manque-t-il ? Je ne saurais le dire. Le poids ? Sans doute, mais qui leur confère du poids ? Une passion ou une maladie — rien d'autre. Encore faut-il que les malades et les passionnés aient quelque talent. Ce qui est sûr c'est qu'un talent sans passion ni maladie ne vaut rien ou presque.
La seule ville où le ridicule ne tue pas, c'est Paris. C'est que le faux y est admis et y triomphe presque toujours : rien de plus propre à oblitérer le sens du ridicule.
Nous ne pardonnons jamais à ceux qui font appel à notre orgueil.
L'écrivain véritable s'attache à sa langue maternelle et ne va pas fureter dans tel et tel idiome étranger. Savoir se borner — tel est son secret. Rien n'est si funeste à l'art qu'une trop grande ouverture d'esprit.
Je voudrais pouvoir écrire avec la liberté d'un Saint-Simon, sans m'embarrasser de grammaire, sans la superstition du bon usage et la terreur du solécisme. Il faut friser à chaque instant l'incorrection, si on veut une allure vivante au style. Se surveiller, se corriger, c'est le tuer. Le malheur d'écrire dans une langue d'emprunt : vous ne pouvez vous permettre le luxe de la renouveler par des fautes bien à vous.
Le véritable écrivain ne pense pas au style ni à la littérature : il écrit — tout simplement, c'est-à-dire qu'il voit des réalités et pas des mots.
La seule ville où le ridicule ne tue pas, c'est Paris. C'est que le faux y est admis et y triomphe presque toujours : rien de plus propre à oblitérer le sens du ridicule.
Nous ne pardonnons jamais à ceux qui font appel à notre orgueil.
L'écrivain véritable s'attache à sa langue maternelle et ne va pas fureter dans tel et tel idiome étranger. Savoir se borner — tel est son secret. Rien n'est si funeste à l'art qu'une trop grande ouverture d'esprit.
Je voudrais pouvoir écrire avec la liberté d'un Saint-Simon, sans m'embarrasser de grammaire, sans la superstition du bon usage et la terreur du solécisme. Il faut friser à chaque instant l'incorrection, si on veut une allure vivante au style. Se surveiller, se corriger, c'est le tuer. Le malheur d'écrire dans une langue d'emprunt : vous ne pouvez vous permettre le luxe de la renouveler par des fautes bien à vous.
Le véritable écrivain ne pense pas au style ni à la littérature : il écrit — tout simplement, c'est-à-dire qu'il voit des réalités et pas des mots.
Cioran, Cahiers
© Gallimard
Choix et copie par L. W.-O.
jeudi 15 octobre 2015
"Depuis longtemps je n'ai connu pareille exaltation…"
Vidéo ci-dessus par C. Tassel :
Clément Rosset, chez lui, évoque Bach et Mozart, la musique et la joie
"Hier soir, 28 déc., chantée par la Chorale de Heilbronnn la cantate n°68, Also hat Gott die Welt geliebt. Le choeur final — une fugue accompagnée par des trombones — était un mélange d'allégresse et de quelque chose d'étrange et de puissant qui m'a rendu presque fou. On aurait dit la jubilation du Jugement dernier. — J'ai applaudi comme un forcené. Depuis longtemps je n'ai connu pareille exaltation."
Cioran, Cahiers
mercredi 14 octobre 2015
De l'inconvénient d'être clôné
Plusieurs fois par semaine, depuis des mois, je feuillette avec forte émotion un Pascal, un Suétone, les Upanishads du Yoga, etc… livres qui ont en commun d'avoir appartenu à Cioran. Comme les champions mondiaux du clonage humain ont leur labo à cinq minutes de ma tanière, je suis chaque fois tenté de leur porter ces volumes, afin qu'en y prélevant l'ADN de Cioran ils tentent de le clôner et le faire revivre ! Je veux bien me charger de l'adopter, l'élever, l'instruire etc… Chez qui serait-il mieux accueilli que chez son lecteur idéal ?
Malgré tout, De l'inconvénient d'être né est tout de même une de mes bibles, alors, en lecteur idéal de Cioran, je referme les fameux bouquins et file dare dare me laver efficacement les mains avant de me remettre au boulot, car on ne sait jamais : si on retrouvait un jour l'ADN de Cioran sur mes manuscrits, on pourrait m'accuser de lui avoir volé et pompé des papiers inédits. Et comme le fait de possèder quelques belles babioles de sa bibliothèque corroborerait cette hypothèse, je serais refait. Je ne voudrais pas qu'on attribue au grand Cioran des vraies Carpates mes notes de mini-Cioran des Petites-Carpates, ainsi qu'on appelle mes montagnes natales.
L. W.-O.
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